Pour la première fois depuis son audition par Victorin Lurel, le président du CReFOM Patrick Karam évoquait sa vision pour le projet de loi sur l’égalité réelle. Il participait à un colloque sur l’avenir économique de Mayotte pendant lequel institutionnels et chefs d’entreprises ont fait leurs propositions.
Les chefs d’entreprises s’étaient déplacés en nombre, malgré les grosses difficultés de circulation, pour plancher sur «l’avenir économique de Mayotte». Face à eux, Patrick Karam tenait à revenir sur le nécessaire «combat idéologique» contre l’idée que les Outre-mer sont assistés.
«La moitié des départements métropolitains touchent plus qu’ils ne contribuent», a relevé le président du conseil représentatif des Français d’Outre-mer (CReFOM) notant que «l’Outre-mer représente 6% des entreprises de France pour 4% de la population». Les DOM coûtent 22,5 milliards d’euros à la nation soit 2,2% des dépenses publiques… un chiffre, là encore à mettre en rapport avec la population.
«Nous demandons à être au même niveau que la moyenne nationale, que les indicateurs convergent en une génération», revendique Patrick Karam.
Il veut une loi cadre avec une obligation de résultat opposable en justice et un contrôle tous les deux ans par une autorité indépendante. Alors que l’indicateur de référence du développement humain est évoqué, le président du CReFOM lui préfère le revenu par habitant, «l’indicateur le plus éloigné de la moyenne nationale».
Les désaccords du préfet
«J’ai quelques désaccords», faisait valoir le préfet, non sans avoir souligné que «c’est le concret qui (l’)anime.» Seymour Morsy doute de l’intérêt d’une «loi-cadre» au moment où le document stratégique Mayotte 2025 vient d’être signé par les politiques, toutes tendances confondues… un document qui engage l’Etat et les collectivités sans cadre législatif.
Pour le préfet, à Mayotte, «l’égalité réelle, c’est maintenant!» avec un contrat de plan Etat-Région «le plus important de la France entière», avec des fonds publics cumulés qui permettent 700 millions d’investissements sur 5 ans… et avec des groupes de travail qui rendent des comptes, non pas tous les deux ans, mais tous les trois, six et douze mois.
«Ce qui compte pour moi, c’est demain et après-demain. Je ne comprendrais pas qu’on ne parle pas de sécurité», a fait valoir le préfet ou encore d’éducation et de formation.
Des propositions pour la loi
Mais pour savoir quoi mettre dans cette loi de l’égalité économique réelle pour chaque DOM, la FEDOM lance des consultations, en commençant par Mayotte. Institutionnels et chefs d’entreprises ont tenté l’exercice.
« Si ça ne tenait qu’à moi, le Code du travail serait déjà transposé intégralement», indique le sénateur Thani, à l’image des dispositions sur l’économie sociale et solidaire dont il espère que l’Assemblée nationale ne détricote pas ses amendements incluant Mayotte dans les dispositifs.
Pour la FEDOM Mayotte, il faut supprimer l’impôt sur les sociétés «qui ne rapporte que 25 millions d’euros à l’Etat…» ou encore intégrer le plan Junker, du nom du président de la Commission européenne, qui impulse un plan de relance de 315 milliards d’euros à l’échelle européenne… «Il pourrait peut-être y en avoir un pour Mayotte ?» demande Jean-Pierre Philibert.
Ida Nel veut relancer les grands projets immobiliers sur le modèle des Hauts-Vallons il y a 10 ans ou encore «ouvrir nos frontières». «La France est notre base mais il faut regarder vers l’Afrique et faciliter les visas», demande la femme d’affaires.
La CGPME voudrait que Mayotte bénéficie d’un moratoire sur la dette sociale tandis que M. Bacar, directeur d’une association intermédiaire employant une centaine de salariés, pointait du doigt les charges sociales, «les associations identiques n’en paient pas en métropole», remarquait-il.
Zone(s) franche(s) et confiance
Un débat s’est engagé sur les zones franches pour définir s’il fallait opter pour une zone départementale ou plusieurs urbaines, alors que pour Abdou Subra, chef d’une entreprise de communication, c’est le financement qui pose problème, «90% des entreprises sont très petites et ont des difficultés à accéder aux prêts».
Paul Amouroux, le représentant d’AG2r sur l’île, ramenait tout le monde au quotidien : «le premier problème à régler à Mayotte, c’est la confiance. S’il n’y avait qu’à baisser les charges sociales pour attirer les entreprises, ça se saurait! Nous avons une population jeune que nous envisageons comme une richesse. Mais l’eau aussi c’est une richesse, et si on ne sait pas la gérer, on va à la catastrophe».
(In)sécurité
Et autour du futari qui clôturait la conférence, les chefs d’entreprises reprenaient les sujets fétiches du Medef mahorais : lutte contre l’insécurité, éducation de qualité pour garder les cadres mahorais et mzungu qui quittent Mayotte quand leurs enfants entrent au collège, ou encore la formation. «50% de mes salariés sont illettrés, comment parler de formation professionnelle ?» demandait un petit patron.
Les axes de développement retenus par Jean-Pierre Philibert dans sa conclusion, fiscalité, zones franches, Impôts sur les sociétés, aide au fret, sont donc soumis à un préalable, celui d’une île où on pourra de nouveau circuler sereinement, et donc d’un engagement ferme: «On pourra écrire tous les Mayotte 2025 qu’on voudra, si l’Etat ne met pas les moyens, rien n’aboutira», concluait-il.
Après la phase de consultations, le projet de loi sur l’égalité réelle pourrait être écrit et déposé avant la fin du mois de septembre pour ne pas télescoper les campagnes des régionales, annonce le président du Crefom.
La rédaction
Le JDM
Comments are closed.