Jean-Pierre Frédéric, le directeur de cabinet du préfet de Mayotte est sur le départ. Après deux ans et demi dans notre département, il retourne dans les services de police. L’occasion de présenter un poste particulier.
«Le directeur de cabinet, c’est l’homme du quotidien». Jean-Pierre Frédéric sait de quoi il parle. Depuis deux ans et demi, il occupe le poste auprès du préfet de Mayotte, d’abord avec Jacques Witkowski puis avec Seymour Morsy. Mais c’est probablement la première fois que l’occupant du poste occupe autant de place dans l’espace public. «C’est toujours le préfet qui fixe le curseur de la présence du directeur de cabinet dans l’espace médiatique. Mais compte tenu des sujets dont il a à s’occuper, s’il ne va pas à l’espace public, l’espace public vient à lui !»
Le quotidien, c’est donc l’ensemble des questions avec l’obligation d’être joignable 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Les élections (avec analyse des scrutins ou redécoupage électoral), la sécurité civile incluant les blackouts ou les risques naturels (cyclones comme inondations) ou encore les visites officielles, plus d’une dizaine en 2 ans y compris celles du Premier ministre et du président de la République… sans parler des parlementaires ou des fonctionnaires qui viennent à Mayotte comprendre les réalités du département, autant «d’ambassadeurs qu’il faut soigner pour Mayotte soit toujours mieux comprise à Paris.»
Le chantier de la sécurité
Deux très gros dossiers sont également entre ses mains. Le premier, c’est le sujet de la délinquance telle qu’on la connaît à Mayotte, avec de très jeunes mineurs impliqués «pour lesquels la responsabilité pénale n’est pas évidente en l’état actuel du droit», souligne le dir’cab’. «L’éducation est la règle et la sanction l’exception», rappelle-t-il.
Saluant le travail des forces de l’ordre comme les communes qui se sont toutes dotées d’un contrat local de prévention de la délinquance (CLSPD) qu’il ne reste plus qu’à faire vivre, il renvoie en revanche la collectivité départementale à ses responsabilités : «6% de son budget est consacré à l’aide sociale en particulier vers l’enfance contre 60% pour les départements de métropole.»
Loin d’être pessimiste, Jean-Pierre Frédéric voit, au contraire, dans ses premiers contacts avec le nouveau conseil départemental, un changement d’attitude «très encourageant».
Radicalisation et communautarisme
Le 2e très gros dossier très en vue en ce moment, la radicalisation religieuse violente. «Mayotte a par tradition un islam modéré mais des signes de radicalisation sont visibles dans la société. Nous avons des prédicateurs qui arrivent de l’extérieur avec des prêches radicaux… Mais attention, la radicalisation n’est pas un délit. C’est la radicalisation violente qui l’est.» Actuellement, 9 signalements de dérive radicale potentielle ont été faits à Mayotte. Et comme «ce n’est pas à l’Etat de réguler la pratique religieuse», Jean-Pierre Frédéric se réjouit de la nouvelle autorité des cadis.
«Le moment le plus douloureux à gérer a été pour moi les événements de Mzouazia, quand je suis arrivé, avec des enfants qui étaient chassés des écoles parce qu’ils étaient étrangers. L’Etat ne peut pas laisser des communautés s’affronter sur son territoire.»
Un paradis à ne pas gâcher
Quant à l’avenir, «il est à notre image souligne-t-il, optimiste quand on l’est !» Mais, c’est tout de même avec tristesse qu’il part donc sous d’autres cieux. «J’ai fait le choix personnel de revenir à la police. J’ai une fille de 6 ans que je n’ai pas vu grandir. La famille, c’est important et il y a toujours un moment où il faut rendre des comptes.» Il repart donc sur un poste moins exposé comme commissaire de police, les corps dont il a été détaché pour occuper les fonctions de sous-prefet à Mayotte. Il sera affecté comme chef de service à la direction de la sécurité publique du Val-de-Marne.
Le nom de sa remplaçante sera officiellement publié très rapidement au journal officiel, avec selon les mots de son prédécesseur, «des équipes magnifiques et volontaires» qui l’attendent.
Il part en citant Aimé Césaire, dans «Colère d’un retour au pays» : «’Je suis issu d’un paradis absurdement gâché, c’est donc pire que l’enfer’. Les Antillais ont fait mentir cette phrase, je suis certain que les Mahorais en feront tout autant.»
RR
Le Journal de Mayotte
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