Les associations Narivane et Uzuri wa Malesi de Sada organisent la semaine prochaine conférence et formation sur la Zakat et la finance islamique à Sada. Leur objectif : informer sur les obligations religieuses liées à l’argent et apprendre aux musulmans de Mayotte à donner.
Réintroduire des valeurs dans une société qui s’enrichit. Deux associations de Sada organisent dans 10 jours*, un week-end destiné à parler d’argent. Dans la société mahoraise où des classes moyennes et supérieures ont émergé, les membres de Narivane et AUM ne se satisfont pas du nombre grandissant de pauvres et d’exclus, un phénomène de société qui heurte leur conscience religieuse. D’autant que dans le même temps, elles voient que les textes sacrés ont prévu des instruments pour lutter contre ce fossé des richesses.
«La ‘Zakat al mal’ est le 3e pilier de l’islam, après la profession de foi et la prière, mais il est très largement méconnu des fidèles à Mayotte», relève Moustoifa Hamada, de l’association Narivane. A ne pas confondre avec l’aumône faite le jour de l’Aïd el Fitr (Zakat el fitr), la Zakat el mal est un véritable impôt institué par les textes religieux. Pour le coran, il s’agit d’une obligation pour tous les fidèles. «A Mayotte, cette méconnaissance est liée à un héritage de notre histoire. Ici, il n’y a jamais eu des gens avec de l’argent qui pouvaient payer. Depuis 30 ans, la situation économique et financière a évolué mais la conscience collective n’a pas suivi», relève Moustoifa Hamada.
Purifier sa richesse
Selon le coran, les fidèles ont donc l’obligation de définir le montant de leur richesse réelle puis de calculer eux-mêmes ce qu’ils doivent donner, sachant la Zakat est très précisément codifiée par les textes sacrés: on sait quoi donner, quand donner et à qui donner.
«Quand on atteint un certain niveau de richesse, on passe de la subsistance au confort puis du confort au luxe. La philosophie de la Zakat c’est de donner aux nécessiteux pour que l’argent circule dans la société et l’économie, et que finalement, ça crée de la richesse pour tous».
Pour ces associations, il est important aujourd’hui que beaucoup de Mahorais se rendent compte qu’ils sont… «imposables» au regard des textes religieux. «S’enrichir n’est pas interdit par l’islam. Simplement, avec la Zakat, tu purifies ton âme et ta richesse et à ce moment-là, tu peux en profiter.»
Des associations de solidarité et d’éducation
L’association Narivane fait parler d’elle à chaque période de ramadan. Elle organise la distribution de paniers repas aux plus démunis à Sada. Mais ce n’est qu’un volet de son action. «L’association a été créée avec un double objectif. Jusqu’à maintenant, on avait développé le volet distribution mais on n’avait pas encore travaillé sur le volet éducation», explique Moustoifa Hamada.
Le week-end du 29 et du 30 août est donc pour elle, la concrétisation de 4 ans de réflexion et de préparation avec la venue d’un spécialiste de la finance islamique. Mohammed Patel sera d’abord chargé d’animer une grande conférence-débat sur la Zakat et son fonctionnement le samedi. Puis le dimanche 30 août, il dirigera une formation (darassa) d’introduction à la finance islamique.
Une finance conforme aux textes religieux
Car dans de nombreux endroits du monde, le rapport à l’argent des musulmans est devenu un enjeu de première importance. Il est spirituel et personnel avec la Zakat, mais il atteint une toute autre dimension avec le développement d’une finance islamique qui pèserait plus de 2.000 milliards de dollars à l’échelle planétaire.
Il s’agit d’une finance éthique basée sur l’absence de spéculation, dont les principes sont conformes aux règles de la charia. Cela suppose l’interdiction du «riba» (l’intérêt), du «gharar» et du «maysir» (l’incertitude, la spéculation) ainsi que du financement d’activités «haram» (alcool, viande de porc, tabac, pornographie, paris…).
Mode de vie et spiritualité
La finance islamique est également conçue autour du principe de la «Moucharaka», c’est-à-dire le partage des profits et des pertes. Aux manettes de cette nouvelle industrie financière, on trouve donc des spécialistes qui connaissent à la fois les textes religieux mais aussi la finance internationale.
«Personne à Mayotte n’était capable de proposer une formation pour comprendre les éléments importants de ce type de finance», note Moustoifa Hamada justifiant la venue du «Sheikh» Mohammad Patel qui pourra donner à ceux qui le souhaitent des clés pour tenter conformer leur mode de vie «moderne» aux principes religieux.
Si le nombre de places est limité pour la formation sur la finance islamique, la veille les organisateurs attendent plusieurs centaines de participants à la conférence sur la Zakat.
RR
Le Journal de Mayotte
*La conférence est prévue au plateau de Tyoni à Sada à partir de 20h le samedi 29 août, en français et en mahorais. Un mini guide pratique, clair et conçu pour Mayotte sera distribué gratuitement à cette occasion.
Puis, le dimanche 30 août, de 9h à 11h, une formation (darassa) sera organisée avec un nombre de places limité à la madrassa du golf. Uniquement en français, les inscriptions (précisément paritaires) sont nécessaires auprès des organisateurs.
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