En attendant d’obtenir peut-être un jour sa carte de résident, un jeune Sri-Lankais prénommé Prasanth est accueilli à l’Ashram du Port (La Réunion). Sa situation sera à nouveau examinée fin septembre à Mayotte, devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Un cas d’école qui fait écho à l’actualité internationale des migrants.
Que va devenir Prasanth Alagaratnam, ce jeune homme de 25 ans en attente d’asile politique ? Nul ne sait. “C’est la dernière chance. Si la cour ne donne pas un avis favorable à Mayotte à la fin du mois, il va être expulsé. Dans son pays, il est sous le coup d’un mandat d’arrêt. Il risque d’être exécuté. On n’aura plus de nouvelles”, lâche amer, Jacques Apavou, le vice-président de l’Ashram.
Remontons le fil du singulier destin de ce Sri-Lankais, victime de la guerre civile secouant son pays asiatique pendant 25 ans. Ce conflit a opposé le gouvernement aux tigres tamouls, un redoutable mouvement de guérilla. 2009 marque la fin des hostilités même si une certaine tension persiste encore de nos jours. Prasanth Alagaratnam ne parle guère de son passé si ce n’est qu’il fut accusé d’exactions et donc recherché par les autorités. Moyennant 30.000 dollars, il parvient à prendre la fuite en 2010, laissant derrière lui sa famille. Grâce à un faux passeport, il rejoint Bangkok où il va vivre dans la misère absolue pendant sept mois.
Son objectif : retrouver des proches à Paris. A ses yeux, l’itinéraire le plus simple est de transiter par la Réunion. Le 30 avril 2010, la police aux frontières de l’aéroport Roland Garros démasque ses faux papiers et l’arrête. Après un séjour dans le centre de rétention, Prasanth Alagaratnam trouve refuge à l’Ashram du Port. Il va faire la rencontre de son ange gardien, Advayananda Sarasvati. “Ça devait durer deux semaines”, précise le swami.
“Il ne peut rien faire”
En mai 2010, le migrant constitue son dossier de demande d’asile auprès de la préfecture. Le Sri-Lankais est convoqué pour un entretien par vidéo-conférence avec des agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides de Paris (OFPRA). “Ils étaient deux à faire leur demande. L’un a eu son droit d’asile, Prasanth ne l’a pas eu”, raconte le prêtre.
En 2013, le migrant est convoqué à Mayotte devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), une instance d’appel qui peut rejeter la décision de l’OFPRA et demander un nouvel examen. Faute d’être accompagné d’un interprète en langue tamoule, l’avocat demande à ce que l’audience soit repoussée. Une nouvelle date a été fixée pour le 30 septembre. L’inconnue de taille repose toujours sur la présence ou non d’un interprète. Il n’est pas sûr que l’Etat fasse cet effort pour un seul cas.
Problème : avec son anglais très approximatif, Prasanth Alagaratnam ne pourra pas bien restituer son histoire ni exposer ses motivations. Cela va forcément jouer en sa défaveur. Toujours est-il que si la demande faisait à nouveau l’objet d’un refus, le migrant recevrait une obligation de quitter le territoire français (OQTF), sous peine d’être expulsé par la force publique.
Un nouveau recours devant le tribunal administratif reste envisageable, nécessitant de patienter encore deux ans (les délais de traitement des dossiers sont très longs). “Il aura passé une partie de sa jeunesse ici”, se désole Advayananda Sarasvati. “Et il ne peut pas travailler, il ne peut rien faire dans sa situation. Alors il nous aide à faire le jardin, il participe à la vie de la communauté”.
Cinq ans sans ressources
En parallèle, des démarches officielles, le religieux met tout en œuvre pour aider le Sri-Lankais. “J’ai demandé à ce qu’on le laisse partir à Paris. C’est ce qu’il souhaite. Je n’ai obtenu aucune réponse. J’ai à nouveau contacté la préfecture afin qu’elle prenne en compte l’aspect humain. Ce garçon n’a pas de ressources, qu’on lui donne au moins l’autorisation d’exercer une activité. J’ai l’impression qu’il a été oublié”.
Depuis cinq ans, le migrant vit ainsi sans aucune ressource. Il peut néanmoins compter sur la générosité de ses hôtes qui sont actuellement mobilisés pour trouver 5.000 euros. Cette somme comprend les frais d’avocat, le déplacement et l’hébergement à Mayotte. C’est chez nous que se trouve peut-être la délivrance, avec l’obtention d’une carte de résident valable dix ans, reconnaissant le statut de réfugié.
Ce serait aussi l’épilogue de cinq années de souffrance avec un unique titre de séjour en poche. Pour l’instant, Prasanth Alagaratnam garde le sourire, sans connaître le sort que lui réserve la France. Et espère un jour retrouver les siens qui lui “manquent tant”. Poignant.
Damien Frasson-Botton
Le JIR
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