Titulaires d’un permis de prospection dans le canal du Mozambique depuis décembre 2008, deux sociétés pétrolières étrangères attendent en vain l’autorisation de poursuivre leurs recherches. Ils se heurtent au silence de la France, qui semble vouloir ignorer cette potentielle manne d’or noir à l’heure de porter l’étendard des énergies renouvelables.
Encourager la prospection pétrolière alors qu’elle préside COP21, la conférence mondiale sur les changements climatiques, voilà peut-être le genre de double message un peu brouillé que la France veut éviter. Une posture qui risque toutefois de lui coûter cher, en plus de la priver d’une potentielle ressource en hydrocarbures extrêmement prometteuse. C’est en tout cas ce que suggère la requête des deux sociétés qui explorent la zone de Juan de Nova maritime profond, l’un des deux secteurs de la zone économique exclusive de cette Île Éparse située dans le sud du canal du Mozambique ouvert à la prospection pétrolière depuis décembre 2008.
Titulaires de permis d’exploration valables jusqu’au 30 décembre 2013, la Nigériane SOPETRO et la Franco-américaine Marex, attendent depuis bientôt deux ans la prolongation de cette autorisation pour trois à cinq ans, telle que prévue par le code minier. Mais elles se heurtent à un mur au ministère de l’Écologie, qui rétorque que la demande est toujours en cours d’instruction.
«À ce niveau-là, c’est de l’incurie», déplore l’avocat des deux sociétés, Me Mathias Dantin, qui a porté l’affaire devant le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis afin de forcer l’État à prendre une décision. «Marex et SAPETRO ont toujours tenu les engagements financiers faits à la France, et les a même plus que doublés pour la nouvelle période de prospection, et toujours aucune réponse.»
Un ministère schizophrène
Les deux sociétés ont déjà engagé plus de 60 millions d’euros dans des missions d’exploration avec des navires de détection sismique et ont cartographié la zone en 2 et 3D. Elles craignent d’avoir gaspillé leur temps et leur argent. «La position du ministère est complètement schizophrène. D’un côté, on nous demande de continuer à justifier des investissements, et de l’autre on ne nous donne pas le permis», appuie l’avocat. Permis qui, à terme, pourra ouvrir la voie à des autorisations de forage, seul moyen de vérifier la présence effective de gaz ou de pétrole dans les poches identifiées lors des recherches.
Le plus étonnant, c’est que la France, avec les 52 990 m2 de la zone Juan de Nova maritime, est potentiellement assise sur un tas… d’or noir. Ses voisins dans la zone, Mozambicains notamment, en tirent déjà les bénéfices. Le Mozambique est passé en cinq ans du statut de nain énergétique à celui de grand espoir gazier, avec la découverte d’une demi-douzaine de gisements off-shore sur lesquels misent aujourd’hui les géants Total, Eni ou Exxon.
Une position de principe
Le cas de Juan de Nova n’est pas isolé. La France refuse d’instruire depuis trois ans toute nouvelle demande de permis d’explorer dans la zone de Guyane Maritime, comme elle a refusé en 2010 la prolongation de celui de la zone Rhône-Maritime. Pression des écologistes, craintes liées à l’extraction du gaz de schiste, code minier vétuste et récent parti pris de la ministre Ségolène Royal en faveur des énergies renouvelables font que ces dossiers restent au point mort.
Cet immobilisme choisi se traduit soit par des décisions de justice défavorables, enjoignant l’État à payer des pénalités aux exploitants qui ont engagé des fonds en vertu de l’accord passé avec la France, soit par le départ d’investisseurs excédés et craignant de perdre encore plus que les sommes déjà investies.
C’est ce qui s’est déjà passé pour le prospect de Juan de Nova Est, dont l’explorateur Global Petroleum, lassé d’attendre deux années durant la prolongation de son autorisation, a préféré se retirer malgré près de 20 millions d’euros déjà investis, en pure perte pour le coup.
Des centaines de millions de barils
«L’activité de prospection est forcément risquée, car on peut au bout du compte ne rien trouver. Mais cette situation nous place en plus dans une insécurité juridique que les Français sont d’ailleurs les premiers à railler lorsqu’ils vont dans des pays africains où ils trouvent que l’obtention des permis est trop longue», compare Me Dantin, réclamant au juge d’enjoindre le ministère de l’Écologie à fournir une réponse, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard. Des pénalités qui viendraient s’ajouter à celles prononcées ailleurs et que l’État va bien devoir régler un jour.
En attendant, les sous les fonds de Juan de Nova, par 3.000 mètres, dorment peut-être des millions de barils de pétrole. Si les calculs des 2 sociétés devaient se confirmer, une poche de 23.000 km2 se trouverait dans la zone. De quoi potentiellement contenir dix fois les 625 millions de barils de pétrole importés et consommés chaque année en France.
RR, Le JDM,
Avec Sébastien Gignoux, Le JIR
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