Le CNFPT fait carton plein depuis quelques temps. Il faut dire aussi que la formation qui se tenait ce jeudi à Sakouli, répondait à une situation d’urgence : non seulement l’Etat impose la création d’intercommunalités, mais tout doit être ficelé d’ici deux mois ! Les maires doivent réussir leur mariage, trouver des terrains d’entente, et voter une fiscalité… qui va de nouveau solliciter le contribuable.
A la suite d’un oubli du législateur, Mayotte doit passer la seconde en matière de création de ces unions de communes appelées intercommunalités : elles doivent être fonctionnelles le 1er janvier 2016.
Houssamoudine Abdallah, directeur du centre de gestion et président du syndicat des DGS de Mayotte, a donc interpellé Alain Le Garnec, directeur du CNFPT (Centre national de la Fonction publique territoriale), qui a élaboré un plan d’urgence. Et fait venir un spécialiste de la question, qui cumulait plusieurs casquettes au gré de son exposé : Guy Durand est à la fois professeur de droit public, ancien maire de Millau, ancien président d’intercommunalité et avocat… à l’accent chantant toulousain.
Les cadres des communes ont ainsi suivi un module de cinq formations. Il s’agissait ce jeudi du dernier volet, qui associait élus et techniciens pour une gouvernance optimale.
Parvenir à un mariage réussi entre maires
Contrairement à la métropole où les intercommunalités ont eu le temps de se structurer avant d’obéir à la réorganisation introduite par la loi NOTRe du 8 août 2015, Mayotte ainsi que 70 autres communes en France, a été oubliée.
Si la préfecture a bien publié un arrêté sur le périmètre géographique des cinq interco mahoraises (voir carte), elles devront intégrer dès leur création les compétences prévues par la loi : le développement économique, le tourisme, la gestion des aires d’accueil des gens du voyage et la collecte et le traitement des déchets.
Il y aura à Mayotte 4 communautés de communes et une communauté d’agglomération, qui dépasse les 15.000 habitants, et à qui incombent 10 compétences obligatoires. Des entités qu’il faut bâtir, ce qui nécessite de désigner des conseillers communautaires parmi les conseiller municipaux, un bureau et une présidence. Pas facile d’accorder leurs violons pour des élus qui doivent se pacser, avec la tentation de tirer la couverture à soi. Un maire nous dressait l’état d’avancement : « nous avons pratiquement bouclé, mais nous ne sommes pas d’accord sur le nombre de conseillers municipaux qui doit être proportionnel à la taille des populations, et sur le siège social de l’intercommunalité ».
De l’esprit de clocher vers le communautarisme
Quant à la présidence, elle est tournante en Petite Terre, seule intercommunalité de Mayotte à avoir été créé avant la loi, « une tournante juridiquement non reconnue, qui n’engage que ceux qui la signent », glissait Guy Durand. Pour lui, pas d’inquiétude, « l’esprit de clocher avec chacun défendant ses intérêts, ça a été partout comme ça en métropole. Puis, finit par naître un esprit communautaire. » Une opération d’autant plus faciles que les intercommunalités de Mayotte regroupent 2 ou 3 communes, « certaines sont plus de 100 en métropole ! »
Le personnel de ces communautés de communes sera transféré en même temps que leurs services, toujours avec l’idée de mutualiser les moyens. Par exemple, pour éviter les doublons inévitables, en Petite Terre, un service a été scindé en deux, Aménagement et Urbanisme, et les personnels des deux communes, répartis sur ces deux pôles.
L’intercommunalité de communes, ce sont aussi des millions qui arriveront sur le territoire. Certains en provenance de l’extérieur, avec la dotation globale de l’Etat, plus ou moins importante en fonction du mode choisi pour toucher les contribuables. Trois solutions s’offrent aux interco : voter un taux supplémentaire aux quatre taxes existantes (revenues, habitation, foncière, entreprise), c’est la fiscalité additionnelle, soit ne toucher qu’à la fiscalité des entreprises qui abondera l’intercommunalité, soit pratiquer la taxe additionnelle en partageant la professionnelle entre la commune et la communauté.
Enfin, le calendrier était précisé : 2016, c’est l’année du transfert du personnel et des premières recettes, 2017, celle du choix de l’intérêt communautaire, 2018 la mise au point du projet de développement, pour commencer une année pleine en 2019 et voter en 2020 pour élire vos conseillers communaux et communautaires.
Et l’aboutissement espéré : « celui de votre réélection en 2020 pour le travail abattu ! », concluait Guy Durand.
Un schéma presqu’idéal, qui pourrait vite devenir un cauchemar si les élus ne prennent pas de garde-fous. Que nous détaillerons dans un prochain article.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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