L’ADF attendait des résultats concrets sur la reprise en main par l’Etat des allocations comme le RSA. Le temps joue pour ce dernier, ce qui a incité les départements à brandir des menaces sur les actions cofinancées avec l’Etat.
Comme nous l’avions indiqué dans notre interview du président du département, Soibahadine Ibrahim Ramadani, les tractations ont commencé avec l’Etat pour tenter de résorber un peu du déficit budgétaire du département.
Les points abordés lors de sa rencontre avec la ministre Pau-Langevin sont en cours d’examen : la perte de dotation de 20 millions d’euros par an, la prise en compte des compétences dévolues à la région qu’exerce pourtant le département unique à Mayotte, des dotations trois fois plus faibles par habitant que les autres DOM, et la répartition de l’octroi de mer. Sans oublier le foncier.
La participation du département au 85ème congrès de l’Assemblée des départements de France (ADF) à Troyes, aura aussi porté ses fruits à plus d’un titre. Notamment avec la sensibilisation de la ministre de la Fonction publique Lebranchu sur les dépenses en RSA du département, estimées à 21 millions d’euros pour 2015, contre 15,4 millions versés par l’Etat. La ministre avait entendu la demande de compensation, sous réserve que la montée en puissance soit bien réelle.
Menaces sur les routes nationales et les contrats de plan
Mais c’est en fait l’ensemble des départements qui sont en souffrance, avec par exemple un manque à gagner de 60 millions d’euros sur le RSA pour un département du nord. Ils ont donc décidé d’adopter une motion commune pour demander à l’Etat de garantir les moyens de leurs politiques publiques dans ce domaine. Il s’agit en fait d’une recentralisation des allocations individuelles de solidarité.
Pourtant, l’ADF, présidée par l’UMP Dominique Bussereau, qui avait déjà entamé un travail avec la ministre, attendait davantage de résultats pour son 85ème congrès, alors qu’un travail d’évaluation a été demandé par le premier ministre sur les 3 mois à venir.
L’Assemblée monte le ton, et, faute d’avancées, invitera les départements à se désengager des cofinancements Etat dans les investissements comme les casernes de gendarmerie, les routes nationales, les contrats de plan. Et leur conseille de ne pas reporter au budget 2016, le niveau des dépenses sociales 2015.
« La politique sociale de la France n’est plus financée »
Les départements les plus en difficulté sont enfin invités à reporter le vote de leur budget 2016 au printemps, à savoir avril-mai : « aujourd’hui la politique sociale de la France n’est plus financée. L’Etat doit être capable d’assumer ses responsabilités essentielles à l’égard de nos concitoyens les plus fragiles », conclut la motion, adoptée à l’unanimité.
Le report du vote du budget, un conseil paradoxal qui peut empêcher un département comme Mayotte de se doter rapidement de mesures sociales fortes. Mais qui pourrait être tenu de facto : « Etant donné que le débat d’orientation budgétaire se tiendra début décembre, nous ne pourrons vraisemblablement pas voter le budget avant le mois de février », rapporte Jean-Pierre Salinières, Directeur général des services du conseil départemental de Mayotte.
C’est à peu près à cette date que pourrait se tenir un Congrès extraordinaire de l’ADF, « avec l’éventuelle annonce de la recentralisation du RSA, qui contribuerait au rééquilibrage de notre budget », espère-t-il. Une fronde qui tombe donc à point nommé pour Mayotte, d’autant qu’en cas de reprise en main du RSA, l’Etat récupérera également les recettes correspondantes, qui sont encore faibles chez nous.
En attendant, ça urge pour Mayotte où l’écart de financement du RSA de 6 petits millions peut durablement bloquer d’autres mesures indispensables au département, à qui échoue au 1er janvier 2016 les allocations sur le handicap et sur l’autonomie.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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