Bien que le syndrome de 2011 ait freiné certaines ardeurs, c’est une belle mobilisation qui a rassemblé salariés du privé et du public ce mardi. Entre 1.000 et 2.000 personnes selon les champs de vision, qui défendaient à la fois l’application du code du travail, mais aussi des revendications propres. Le mouvement est reconduit pour l’arrivée de George Pau-Langevin la semaine prochaine.
«Allons enfants de la mangrove, le jour de grève est arrivé»… faute de grossir les rangs des manifestants, certains se sont sentis l’âme lyrique ce mardi 3 novembre. En tout cas, on peut dire que Mayotte s’est réconciliée avec ses manifs aujourd’hui: aucun débordement, même pas un petit tour de rond-point supplémentaire tout juste une halte de deux minutes devant le commissariat de police et un bref arrêt devant la préfecture.
Lorsque le cortège s’est élancé vers 10 heures, ils étaient un peu plus de mille à affronter un soleil de plomb, sur la montée de la mairie puis du commissariat. «Plutôt 2.000», insiste un syndicaliste, alors que la police en estimait 900. Il faut dire que l’on a perdu l’habitude de compter autant de manifestants à la fois, les enseignants en étaient tout émus… Mais justement, beaucoup de défections dans leurs rangs.
IBS en force
Car le syndrome de 2011 et de ses débordements était toujours présent dans les esprits, «chez nous, beaucoup sont grévistes, mais peu sont présents», indiquait une municipalité. Outre les représentants de l’intersyndicale CGT Ma-CFDT-FO-FAEN-Solidaires-FSU, quelques élus se tenaient en tête de file, comme le conseiller départemental Issoufi Hadj Mhoko, et les deux maires de Bandrélé et Sada.
Pour quelques uns, c’était leur première manif. Un dépucelage en douceur donc, puisque seulement rythmée par des appels «à retrouver notre ancienneté», pour les agents de la fonction publique, ou les coups de tam-tam des salariés d’IBS. Un déplacement en force du carriériste, dont le représentant du personnel Saïd Baharou voulait interpeller sur les récents échos de leur expulsion proche, à la suite d’une décision de justice de l’année dernière, «et la perte d’emploi pour les 151 salariés». Il n’a pas souhaité évoquer le transfert de l’activité envisagé vers Longoni.
Une retraite calculée sur un quart d’activité
L’association de réinsertion des délinquants Tama était aussi présente, à travers son directeur Philippe Duret qui défend l’application des conventions collectives: «Nous effectuons le même travail que nos collègues métropolitains, sur des problématiques parfois plus lourdes, mais sans conventions collectives du travail social à Mayotte.» Sans majoration de salaire, difficile de tenir la route, «nos salariés préfèrent se diriger vers l’éducation nationale qui offrira une indexation de 30% au 1er janvier prochain.»
Salim Nahouda, CGT Ma, l’initiateur de cette journée est un tantinet déçu, «les délégués se sont bien mobilisés, le personnel moins.» Une manifestation qui drainait les salariés, du privé et du public.
La Police municipale était également représentée, «après 20 ans de carrière, on ne m’en reconnaît que 5!», témoignait l’un de ses membres. Pour les deux maires de Sada, Anchya Bamana, et de Bandraboua, Soulaimana Boura, il s’agit avant tout de «soutenir les mahorais dans les inégalités qui subsistent».
“Je ne suis pas ministre!” se défend Seymour Morsy
«Un beau mouvement», commentait un connaisseur qui a «fait 2011», comme d’autres ont «fait mai 68», mais qui met en garde: «Il ne faut pas reconduire, parce que ça peut partir dans tous les sens. Nous devons nous servir de cette journée comme moyen de pression et menacer de remettre ça plus tard, en plus fort.»
La délégation reçue en préfecture à 11h, a lu au représentant de l’Etat une déclaration liminaire, déplorant que sur le sujet de la transposition du code du travail, “les syndicalistes se heurtaient à un mur”. Plus de deux heures après, ils en ressortaient avec une sentence très “Morsyenne”, “je ne suis pas ministre!”
Le préfet invitait donc les syndicalistes à se tourner vers George Pau-Langevin lors de son arrivée entre le 9 et le 11 novembre. Rappelons que la ministre chapeaute l’Outre-mer, et qu’il sera malgré tout difficile pour elle de s’engager sur la transposition du droit du travail.
Les syndicats UNSA et CFE-CGC avaient été reçus par le préfet hier, et avaient informé de plusieurs propositions: la nomination d’une commission administrative du travail pour examiner les dispositions prioritaires du code du travail, et “avant fin février 2016, un point administratif sera fait sur la question avec les syndicats avec la mise en place d’un séminaire regroupant les représentants syndicaux nationaux, locaux et l’administration sur la question de la transposition du code du travail”, rapportait la CFE-CGC.
Une décision était prise par l’intersyndicale, “celle de reconduire le mouvement, mais lors de l’arrivée de la ministre”, qu’elle est allée transmettre à la base d’une centaine de manifestants toujours présents place de la République: “La ministre a assuré qu’elle allait nous recevoir. Nous ne bougerons pas des accès de la préfecture tant que nous n’aurons pas les réponses qu’elle nous doit”, informait Thierry Wuilliez.
“Si elle vient le 9, nous serons là le 9! Si elle vient le 10, nous serons le 10!” Les manifestants se sont séparés sur cette promesse de nouveau rendez-vous.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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