Le secteur des ambulanciers est en pleine mutation. Il avait fallu beaucoup de patience pour que sorte le décret d’application légalisant leur existence à Mayotte. Il faut désormais former le personnel sur place. A commencer par les auxiliaires ambulanciers. Avant de taper plus haut.
Longtemps dépendante de l’ordonnance d’application de la santé publique de juillet 2003, notre île avait dû attendre le transfert de compétence du préfet en matière de transports sanitaires, vers les ARS en pleine création pour qu’un décret autorise le transport sanitaire privé des malades.
Après un appel à candidature que l’ARS avait du élargir sur pression des sociétés déjà constituées, 7 d’entre elles ont été choisies en septembre 2013. Un quota ajusté à la taille de la population du territoire.
S’il n’existe pas encore de formation au diplôme d’ambulancier à Mayotte, pour la première fois leurs auxiliaires vont pouvoir être labellisés sur notre île.
Pas encore de garde chez les ambulanciers
C’est le résultat d’un partenariat tripartite entre l’AFTRAL d’un côté, l’organisme de formation Mahore Atout formations de l’autre, et enfin le Centre d’enseignement des soins d’urgences du Centre hospitalier de Mayotte (CHM).
Il faut dire qu’on peut parler d’un marché à fort potentiel : « nous sommes dans une phase de montée de charge à Mayotte par rapport aux besoins de transport sanitaires du territoire, et parce que les ambulanciers n’assurent pas encore de garde comme en métropole où la disponibilité est de 7 jours sur 7 et 24h sur 24 », explique le formateur Christian Menzato.
C’est un multicarte qu’a fait venir Carla Baltus, qui dirige Mahore Atout formations : à la tête d’une entreprise de 30 salariés de transports sanitaires à Niort (Deux-Sèvres), Christian Menzato a 20 ans d’expérience en formateur ambulancier, et dirige l’Institut de formation d’ambulancier de Rochefort sur mer. « Pour cette première formation, nous avons 12 jeunes, dont deux filles, qui vont suivre 70h de cours validées par une attestation de formation », explique-t-il.
Savoir gérer une hémorragie
Les ambulances sont amenées à se multiplier donc, également en raison d’une montée en puissance de l’assurance maladie, et du transfert de l’activité du CHM vers le secteur privé.
Le transport sanitaire est prescrit par le médecin en fonction d’un référentiel médical qui mesure le degré d’autonomie du malade. Ainsi, à la différence d’un ambulancier qui véhicule des malades allongés ou semi-assis, les auxiliaires conduisent des véhicules sanitaires légers, nantis d’une même belle croix bleue, « mais ils suivent malgré tout une formation en gestes et soins d’urgence au SAMU, au terme de laquelle ils devront savoir traiter une hémorragie, des brûlures, effectuer une réanimation cardio-pulmonaire etc. » C’est sur ces 21h de cas pratiques que l’attestation est validée ou non.
Un vivier de secours
Du côté des débouchés, c’est plus aléatoire : « il s’agit d’avantage d’un vivier de secours en cas de départ en congés ou en maladie pour l’instant », pour le formateur qui n’y voit de toute façon que des avantages, « dans une société où il n’y a plus de formation citoyenne aux gestes de secours. Des milliers de vie pourraient être sauvés ».
La plupart des candidats sont issus du Pôle emploi, mais certains ont financé eux-mêmes les 1.200 euros de leur formation, qui ne nécessite pas beaucoup de prérequis, « la maitrise de la langue française ». Leur CV est malgré tout épluché en amont pour y dénicher des prédispositions, comme ce BEP en sanitaire et social, où ce pompier, ce CAP Petite enfance : « l’auxiliaire doit avoir des aptitudes à communiquer, une certaine empathie pour le malade. »
D’ailleurs, un des premiers enseignements de Christian Menzato est de devenir un personnage neutre auprès des patients : « ils veulent juste des soins, pas quelqu’un qui arrive avec son histoire. »
Pour passer au stade supérieur, une demande d’agrément pour l’ouverture d’un Institut de formation d’ambulanciers a d’ailleurs été déposée il y a 6 mois au conseil départemental, en attente de réponse.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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