Et la liste des responsables est longue. De la ministre des Outre-mer aux parents des jeunes, tous impliqués de prés ou de loin dans cette journée paralysante que vient de vivre Mayotte.
Pour certains, le traumatisme de 2011 est si fort, qu’il leur semblait que c’était hier encore qu’ils étaient privés du droit le plus élémentaire de se déplacer d’un point à un autre. Les deux mouvements ne sont pas comparables dans le comportement des manifestants, puisqu’en 2011, c’était eux qui «caillassaient» en direct, alors qu’il s’agit aujourd’hui des salariés, essentiellement de la fonction publique, dans un mouvement de revendication de leurs droits. Mais ils ont un point commun, l’impréparation, voulue ou non, qui débouche sur des débordements.
En zone gendarmerie, à Mangajou, des jeunes ont érigé un barrage avec des bancs, un gendarme a été légèrement blessé, et un autre à Ongoujou a pu être dénoué par le dialogue avec les militaires. En zone police, c’est à dire sur Mamoudzou et sa périphérie, ce fut plus agité : Les ronds-points de Mtsapéré, Passamainty et Doujani ont été des points de blocage parfois très violents. Le journaliste du JDM a été blessé, ainsi que d’autres confrères dans pratiquement chacune des rédactions.
Du côté des forces de l’ordre sur Mamoudzou, si un petit flottement s’est fait sentir dans la matinée, la reprise en main a débouché ensuite sur la libération des axes.
« Nous n’avons pas travaillé »
Des jeunes qui ne supportent pas la vue d’un appareil de photo et qui n’ont pas compris qu’une action sur la voie publique est susceptible d’être médiatisée. Encore une fois, les parents, et les adultes dans leur ensemble ne se sont pas illustrés par leur courage, en dehors des mamans qui ont pu dégager le rond-point de Passamainty. Pire, les représentants syndicaux étaient eux-mêmes les victimes, dont ils se disaient impuissants, de racket, d’agression voire de blocage d’opérations escargot… une sorte de course à l’échalote du plus performant.
Pendant ce temps, place Mariage, tous les rideaux étaient fermés, «nous n’avons pas travaillé», indiquait un commerçant. De quoi refroidir toujours plus les investisseurs.
« On doit pouvoir manifester »
«C’est pas de notre faute», se justifiait Rivo, leader SNUipp-FSU, lorsque nous l’interpellions sur le niveau de responsabilité de l’Intersyndicale. «On doit pouvoir manifester sans avoir ce genre de problème», disait-il, renvoyant la balle vers les forces de l’ordre. A Paris ou Bordeaux, oui, peut-être, mais à Mayotte, cela semble difficile. Chacun est coupable à son niveau.
Les parents qui ne cadrent pas leurs enfants, les adultes qui osent à peine lever la voix, les syndicats qui savent qu’une journée de blocage des routes signifie des jeunes non scolarisés, et donc mobilisables pour des barrages. L’Etat enfin, qui a laissé des retards s’accumuler en pensant que la rébellion n’était pas une constante de cette population à la fois docile et fougueuse, tout en appliquant impôts et amendes à 100% des taux.
Enfin, la déception d’accueillir une ministre spécialiste des Outre-mer, venue tout spécialement pour nous après Tromelin, qu’on annonçait mandatée pour formuler des avancées, mais qui aura emporté tout espoir, pour ceux qui en avaient.
Les grévistes pour remporter l’adhésion doivent avoir un discours clair et une organisation sans reproche comme ce fut le cas le 3 novembre. Ils ont donné rendez-vous ce vendredi à 7h sur la place de la République pour un mouvement contre les administrations.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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