Ce lundi débute le procès de l’affaire Roukia, du prénom de cette jeune femme retrouvée morte après avoir consommée de la drogue en janvier 2011. Quatre voire cinq jours d’audience sont prévus pour un procès qui devra fixer la limite de la responsabilité de membres des services de police qui ont eu la drogue en main.
Sept prévenus, 3 témoins assistés, 12 parties civiles … Le procès de l’affaire Roukia qui débute ce lundi est d’une ampleur peu commune à Mayotte. Elle devrait durer une bonne partie de la semaine devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou. Présidée par Laurent Sabatier, l’instruction débute ce lundi à 14 heures. Deux jours devraient être nécessaires pour que la cour aborde les moindres détails de cette affaire, suivis de deux autres journées consacrées au réquisitoire du procureur Joël Garrigue et des plaidoiries des avocats. Le jugement sera naturellement mis en délibéré, nous ne connaîtrons pas le sort des différents protagonistes cette semaine.
Le JDM vous avait présenté l’histoire en détail voici un mois (voir l’article en cliquant ici) pour vous permettre de vous y retrouver. Car depuis janvier 2011, les rebondissements ont été nombreux dans une affaire qui est le prélude à un autre grand procès, attendu l’an prochain, celui dit «du GIR», du nom du «groupe d’intervention régional» par où la drogue a transité.
Roukia Soundi, 18 ans
Roukia n’a pas seulement un prénom. La jeune femme s’appelle Roukia Soundi. Originaire des Comores, elle habitait à Mtsapéré avant sa disparition tragique. Son corps a été découvert sur une plage à Trévani, le 15 janvier 2011. L’autopsie conclut alors à un décès «consécutif à une intoxication aiguë» liée à de l’héroïne.
Sa dépouille aurait été transportée sur cette plage par un homme avec lequel elle entretenait une relation. Coiffeur de profession, Mathias Belmer, 40 ans, aurait passé le soir du 12 janvier avec elle, une soirée au cours de laquelle ils auraient consommé… de la cocaïne. Il se serait procuré ces 2 grammes chez son fournisseur habituel, sur la demande d’un ami, Vincent Hoareau. Au matin, Roukia Soundi est morte.
Si le tribunal sera attentif aux détails concernant l’achat de la drogue, il attendra aussi des explications sur l’absence de déclaration du décès. Car Matthias Belmer avait l’intention de faire disparaître le corps. Pour arriver à ses fins, il demande l’aide de patronne, Frédérique Blondel, qui l’aurait aidé à déplacer la dépouille qu’il aurait déposé sur la plage.
Cocaïne ou héroïne?
Aux enquêteurs, Mathias Belmer a fait part de ses doutes sur la drogue. Il déclare que la cocaïne «était probablement de l’héroïne».
Ici commence une autre histoire, celle de cette drogue et de sa nature: cocaïne ou héroïne? Les personnes mises en cause dans la vente de cette drogue à Mathias Belmer sont Saïd Hamada Mzé, son fournisseur habituel, et Daniel Mohamed, qui lui aurait vendu effectivement la poudre.
Les deux déclarent rapidement aux enquêteurs qu’ils sont des informateurs du GIR. Ils apportent leur concours dans des enquêtes sur les réseaux de stupéfiants à Mayotte. Et précisément, ce sachet de 2 grammes aurait transité par le GIR. Le tribunal devra donc se pencher sur les procédures mises en œuvre autour de ce sachet.
Dans une enveloppe sur un bureau
Daniel Mohamed aurait récupéré le sachet de 2 grammes auprès d’un vendeur potentiel de cocaïne. Il aurait obtenu l’accord d’un brigadier de police affecté au GIR, Jérémie Bouclet. Le sachet est apporté au GIR où l’adjudant Ludovic Boulain le teste et conclut sur une présence de cocaïne.
Jérémie Bouclet rend compte de cette information à son chef de service, le capitaine Gérard Gauthier. Après le départ en vacances de Jérémie Bouclet, le sachet, placé dans une enveloppe, serait resté sur son bureau. Il sera rendu à Daniel Mohamed quelques jours plus tard avec ses 2 grammes de «cocaïne» par un des membres de l’unité, Daniel Papa.
Et c’est cette enveloppe et son produit qui aurait été écoulé auprès de Mathias Belmer et qui aurait peut-être causé la mort de la jeune Roukia.
Quelles responsabilités pénales?
Ce procès sonne comme l’heure de vérité après une très longue, trop longue instruction, pour chacun des protagonistes. Mais il sera également important d’un point de vue juridique. Car pour les anciens membres du GIR, le tribunal devra trancher sur la question de leur culpabilité pour «homicide involontaire». Autrement dit, jusqu’où remonte la responsabilité dans ce drame? Le fait qu’un sachet de drogue, qui transite par un bureau de police, et qui est ensuite écoulé sur le marché, peut-il entraîner une responsabilité pénale des forces de l’ordre? Le tribunal devra le dire.
A partir de ce lundi à 14 heures, seront donc appelés à s’expliquer à la barre:
Mathias Belmer, coiffeur, placé sous contrôle judiciaire. Il est poursuivi pour homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence, transport non autorisé de stupéfiants, destruction de document ou objet concernant un crime ou un délit pour faire obstacle à la manifestation de la vérité.
Frédérique Blondel, placée sous contrôle judiciaire. Poursuivie pour recel du cadavre d’une personne victime d’homicide ou de violences entraînant la mort sans intention de la donner, destruction de document ou objet concernant un crime ou un délit pour faire obstacle à la manifestation de la vérité.
Daniel Mohamed, placé sous contrôle judiciaire. Poursuivi pour transport non autorisé de stupéfiants, homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence.
Saïd Ahamada Mze, placé sous contrôle judiciaire. Poursuivi pour transport non autorisé de stupéfiants, homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence.
Vincent Hoareau, libre. Poursuivi pour transport non autorisé de stupéfiants.
Daniel Papa, gendarme, placé sous contrôle judiciaire. Poursuivi pour transport non autorisé de stupéfiants, homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence.
Jérémie Bouclet, fonctionnaire de police, sous contrôle judiciaire. Poursuivi pour transport non autorisé de stupéfiants, importation non autorisée de stupéfiants, trafic, homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence.
Les témoins assistés sont Gérard Gauthier, Daniel Abdou, Ludovic Boulain.
RR
Le Journal de Mayotte
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