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vendredi 22 novembre 2024
AccueilFaits diversProcès Roukia: 2e journée marathon sur les traces de la poudre

Procès Roukia: 2e journée marathon sur les traces de la poudre

Le tribunal de Mamoudzou s’est offert une audience hors norme pour la 2e journée du procès de l’affaire Roukia. Des hommes du GIR, quel que soit leur statut à l’époque, sont passés à la barre.

Les avocats Simon, Idriss, Larifou et Kamardine, tous particulièrement incisifs au cours de ce procès
Les avocats Simon, Idriss, Larifou et Kamardine, tous particulièrement incisifs au cours de ce procès

Entamée à 8 heures, l’audience s’est achevée peu avant 23 heures après une journée passée à retracer le chemin de la poudre qui pourrait être responsable de la mort de la jeune Roukia Soundi, en janvier 2011.

C’est donc une partie de l’équipe du GIR (groupe d’intervention régional) de l’époque qui est passée à la barre à commencer par Daniel Mohamed, un agent de renseignement recruté dès la descente du kwassa qui l’amené d’Anjouan en 2008. Comme à d’autres Comoriens, on lui promet alors des papiers en échange de ce travail de recherche d’informations.

Il aurait également dû être rémunéré car, grâce à son travail, il franchit les différents échelons des indics: d’abord «aspirant» puis «régularisé», il avait atteint la catégorie supérieure, celle des «immatriculés». Selon des documents comptables, il aurait perçu 2.400 euros. Il réaffirme à la barre n’avoir touché que 100 euros, en tout et pour tout pour ses années de «service». Une question qui pourrait intéresser la justice car il n’est pas le seul dans ce cas.

La recherche de drogues dures

Daniel Mohamed était en contact avec un certain Fayçoil, originaire du même village que lui sur l’île Anjouan, qui était censé posséder un stock de cocaïne qu’il aurait souhaité écouler à Mayotte. L’indic assure avoir reçu l’accord de «son chef» Jérémy Bouclet, brigadier de police affecté au GIR, pour convenir avec Fayçoil de faire venir un échantillon de cette drogue, environ 2 grammes à Mayotte. Le sachet devait voyager via le Maria Galanta, le navire qui assure les liaisons régulières entre Mayotte et les autres îles de l’archipel des Comores.

Me Jean-Jacques Morel conteste le calendrier de la circulation de ce sachet de drogue
Me Jean-Jacques Morel conteste le calendrier de la circulation de ce sachet de drogue

Cette version de l’histoire est contestée par Jérémy Bouclet qui, répondant aux questions de son avocat Me Morel, indique avoir été mis «devant le fait accompli».
Mais la drogue arrive bien à Mayotte et le 2 décembre 2010, l’indic donne la cocaïne à Jérémy Bouclet qui s’empresse de la faire tester. Le produit vire au bleu, le signe qu’il s’agit de cocaïne. Le policier ne conteste pas son «euphorie» après le résultat du test. Cette cocaïne vient valider sa théorie: des drogues dures sont importées à Mayotte depuis les Comores.

La drogue laissée sur un bureau

A l’audience, le procureur de la République Joël Garrigue a beau rappeler qu’aucune saisie d’héroïne n’a jamais été faite dans notre département depuis 2010 et que la ligne «cocaïne» est même absente des documents officiels, Jérémy Bouclet n’en démord pas. «Vous ne me ferez pas croire qu’il n’y a que des hommes qui arrivent par kwassa», affirme-t-il.

Pourtant, malgré ce résultat et de façon assez inexplicable, cette drogue ne sera pas prise en compte. Le service mène de nombreuses actions et n’a pas le temps de la gérer. Gérard Gauthier, le responsable du GIR, expliquera plus tard qu’il l’a «oubliée». Jérémy Bouclet est également en fin de service et s’apprête à quitter l’île. Il laisse la drogue sur son bureau, «dans une enveloppe kraft». Daniel Mohamed ne parvient plus à le joindre. Problème : l’indic doit rendre des comptes au fournisseur comorien. Il veut qu’on lui rende le produit ou l’argent… «C’était ça qu’on avait parlé avec monsieur Bouclet», affirme-t-il.

Magnegne

Ce sera finalement le gendarme Daniel Papa qui finit par le rappeler une semaine après pour lui rendre l’enveloppe. «Tiens, prend ton truc magnegne», lui aurait-il dit.
Entendu à son tour, Daniel Papa affirme n’avoir jamais connu le contenu de l’enveloppe qu’il remet à son indic.

Une affaire à tiroir qui pose de nombreuses questions sur le fonctionnement du GIR
Une affaire à tiroir qui pose de nombreuses questions sur le fonctionnement du GIR

Un autre agent de renseignement, Saïd Hamada Mzé, arrivé au tribunal sous mandat d’amener de La Réunion dans la matinée, indique pourtant que l’enveloppe était bien ouverte. «Papa savait ce qu’il y avait dedans, ça c’est sûr», tranche-t-il.
Il affirme, au passage, que Jérémy Bouclet lui aurait fourni des barrettes de cannabis pour qu’il puisse les revendre et faire face à des problèmes financiers. Sous le feu des questions du procureur, il fournit même tous les détails de la transaction. Le policier nie fermement ces faits.

L’indic’ trouve un client

Quelques jours plus tard, Saïd Hamada Mzé finit par trouver un client pour la drogue toujours en possession de Daniel Mohamed. Ce sera Mathias Belmer. Malgré le fait qu’il estime que le produit n’est «pas bon», il finit par lui acheter à moindre coût.

Me Jean-Jacques Morel, l’avocat de Daniel Papa, va tenter de pointer des failles dans le calendrier. La stratégie est claire: remettre en question l’idée que cette drogue qui a transitée par le GIR est celle qui a tué la jeune Roukia Soundi. Pour lui, cette «cocaïne» a été vendue avant les fêtes alors que la drogue consommée par Roukia a été achetée par Mathias Belmer le 11 janvier.

Un mode de fonctionnement en question

L’heure est déjà bien avancée lorsque deux témoins assistés viennent finalement à la barre. Ludovic Boulain, d’abord, celui qui a testé le produit. Pour lui, pas de doute sur le fait qu’il s’agit de cocaïne. Le procureur indique pourtant que le processus de test qu’il décrit pourrait laisser planer le doute. Ludovic Boulain est aussi le seul à décrire un produit parfaitement blanc.

C’est enfin Gérard Gauthier, le responsable du GIR au moment des faits qui vient dérouler sa version de l’histoire. Visiblement bien préparé, il sait quoi dire et comment le dire. On apprend qu’il a vu le sachet «blanchâtre». «J’ai la certitude que mes hommes ne sont pas responsables de la mort de Roukia», lâche-t-il avant qu’un long questionnement serré du procureur remette en question le mode de fonctionnement d’un service pour lui visiblement en manque de bonne gestion.

Le procès se poursuivra ce mercredi avec l’audition de témoins et d’un médecin en visioconférence mais aussi avec celle de Mathias Belmer, le petit ami de Roukia. Il s’est finalement présenté à la gendarmerie à La Réunion et devrait arriver à Mayotte par l’avion du matin.
RR
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