Si on en doutait encore, l’appétence des météorologues pour un semblant de formation de système nuageux, ou pour le déplacement d’une zone de convergence est sans limite. Il n’était que d’écouter l’affection avec laquelle David Goutx, Directeur interrégional de Météo France pour l’Océan Indien, et Bertrand Laviec, directeur de l’antenne Mahoraise, traitaient l’évolution d’une perturbation intertropicale pour en être convaincus.
Il s’agissait d’expliquer ce mercredi matin aux services de l’Etat et du département la formation d’un système cyclonique, les risques encourus, et les moyens d’anticipations mis en œuvre. David Goutx l’assure : si sur 80 agents employés au Centre interrégional de Météo France, seuls 7 sont détachés à Mayotte, « les prévisions se font en synergie entre les deux îles. »
Sans vouloir polémiquer, Mayotte a été longtemps sous dotée en la matière, et le tout nouveau site en montre l’évolution : les prévisions sont maintenant affinées sur quatre parties distinctes de notre île, et le lagon en deux zones, ouest et est. En cliquant sur la carte, on obtient même des prévisions à une semaine, et le bulletin et l’animation satellite.
Si les météorologues ont voulu communiquer, c’est en raison d’une négligence de la population réunionnaise l’année dernière, « qui n’avait pas cru bon s’alarmer pour une vigilance renforcée, habituée à la vigilance cyclonique, or il y a eu beaucoup de dégâts. Une vigilance signale un danger potentiel, et la vigilance renforcée est ce qu’il y a de plus grave en terme d’alerte », rappelle David Goutx.
Les jolis cyclones… les plus dangereux
D’autre part, les cyclones sont dévastateurs, « ils sont responsables de 30% des dégâts provoqués par les risques naturels et de 20% de la mortalité ».
Pour améliorer les prévisions, les zones tropicales sont divisées en Bassins cycloniques, où les systèmes généralement naissent, vivent et meurent, sans trop s’occuper d’aller dans le bassin cyclonique voisin. C’est le Centre Météorologique Régional spécialisé Cyclones de La Réunion qui est chargé de la prévision et du suivi dans notre zone, « et quand un système nait à l’est, il est baptisé par le service mauricien, et à l’ouest par Madagascar. »
La beauté du phénomène fascine réellement les deux météorologues : « un vortex à cœur chaud. Un œil bien formé entouré de belles bandes spiralées, traduisent un cyclone potentiellement dangereux. » Sous l’œil, le temps et calme, et le ciel dégagé, « un fausse impression, parce qu’aussitôt passé, ce sont les vents les plus forts ».
Les tôles des habitations deviennent une arme
Mais le cyclone est exigeant. Il ne se formera qu’à certaines conditions, dont « une température de l’eau strictement supérieure à 26°, l’existence d’une dépression à hauteur de la Zone de convergence intertropicale, et le renforcement des vents en basse atmosphère. »
Il sera baptisé dès qu’il atteint le stade de tempête tropicale modérée. Le risque cyclonique n’est reconnu qu’à partir de 150km/h de vent en rafale, soit 110km/h en moyenne. Et on apprendra que la pression exercée sur une surface par le vent est égale au carré de sa vitesse, « les tôles des habitations mahoraises deviennent vite une vraie hache », prévient David Goutx. Une année qui peut s’annoncer à faible activité cyclonique, comme 2016, peut paradoxalement engendrer beaucoup de cyclones.
Ici à Mayotte, la saison cyclonique commence le 1er novembre et se termine le 30 avril. Mais, ce sont les vigilances fortes pluies qui s’y succèdent. Ce qui incite Bertrand Laviec à rapporter les propos des élèves : « à Mayotte, beaucoup rêvent de voir un cyclone. Or, c’est un phénomène dangereux, susceptible de provoquer des décès. »
Le mystère Hellen
Aucun n’est encore passé au dessus de l’île. Le cyclone Kamisy en 1984 a marqué les mémoires, « il est pourtant passé à 100kms de Mayotte », indique le météorologue. Il évoque le « bouclier malgache », puisque les dépressions transitent d’est en ouest dans notre zone, se chargent au dessus de l’océan, et butent ou traversent Madagascar, avant de pouvoir toucher Mayotte.
Ce qui ne fut pas le cas du cyclone Hellen l’année dernière, « qui nous a fait très très peur et qui demeure une énigme même pour un de nos spécialistes mondial. » Formé au large du Canal du Mozambique, il s’y est déplacé très vite, et s’est désagrégé tout aussi vite.
Un cyclone qui avait posé des problèmes d’anticipation, le site américain Mtotec l’ayant anticipé presque une semaine à l’avance, quand Météo France ne l’avait pas prévu. Une double raison à cela selon nos spécialistes. La première est économique, et a le mérite de la franchise : « nous sommes dans une zone pauvre, et les satellites coutent chers. La zone est donc peu couverte. Nous bénéficions désormais des informations des satellites chinois et indiens, et l’Europe a accepté de déplacer son satellite Météosat 5 ».
La deuxième tiendrait à un coup de chance du modèle américain, « qui ne fait qu’entrer automatiquement les données ». Mais qui a vu juste.
Alors ? Cyclone ou pas cyclone cette année ? Impossible de le savoir, « mais les trois mois qui viennent seront les plus chauds et les plus pluvieux de l’histoire », indique Bertrand Laviec qui commence à dégager les premières données de ses analyses, « les premières propres à Mayotte. On y décèle un réel changement climatique en cours. » Il donne d’ailleurs le 7 décembre une conférence sur le sujet avec les Naturalistes.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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