CARNET DES ASSISES DU JDM. Il voulait de l’argent, il en a fabriqué. Le problème est que la législation française ne badine pas avec la fausse monnaie. La contrefaçon de billets de banque et leur mise en circulation est un crime. C’est donc devant la cour d’Assise qu’Issouf M. a comparu vendredi dernier où il risquait une peine pouvant aller jusqu’à 30 ans de prison et 450.000 euros d’amende… mais le verdict sera évidemment bien plus léger. Issouf n’est pas un grand criminel patenté, loin de là.
C’est un petit homme, aussi bien par la taille (1,55m) que le statut social, un jeune clandestin qui tente depuis des années de se faire une place dans la société mahoraise. Aujourd’hui âgé de 23 ans, il est arrivé à Mayotte en 1999. Quatre ans plus tard, sa mère qui tentait de revenir avec sa petite sœur périt lors du naufrage du kwassa à bord duquel elle a pris place.
Déscolarisé depuis le CM2 pour une histoire de papiers, Issouf est interpellé à l’aéroport peu de temps après avoir atteint la majorité. Il est sans titre de séjour. Pourtant, il ne montera jamais à bord du Maria Galanta pour une «mesure d’éloignement».
Comme leurs collègues du GIR à la même époque, les policiers de la BAC ont des méthodes de recrutement particulières pour fournir les rangs de leurs informateurs. Ils «embauchent» à l’aide de contrats oraux des clandestins contre des promesses pas toujours tenues. Issouf accepte de devenir indic’ contre des papiers. «On vous demandait de dénoncer des gens qui étaient dans la même situation que vous», tente de faire préciser le président Schmitt. Issouf acquiesce.
Mais après de multiples récépissés, il est aujourd’hui de nouveau en situation illégale.
Piètre indic’
Car Issouf ne s’est pas révélé être un très bon informateur. «C’était pas très sérieux», explique la BAC aux enquêteurs qui travaillent sur cette affaire. Dans le quartier Bonovo à Mstapéré où il est installé, il est vite repéré et tout aussi rapidement méprisé. Devenir un indic’, lui cause finalement bien plus de soucis que ça ne lui rapporte d’avantages… Jusqu’à Anjouan, son île natale, où l’information sur son «activité» d’agent de renseignement est arrivée.
Bref, pour Issouf, c’est la galère jusqu’à ce que deux opportunités se présentent à lui. Un boulanger lui propose, évidemment sans contrat, de livrer ses viennoiseries durant la nuit. Cela va devenir son activité principale. Mais ce qui promet d’être vraiment lucratif, c’est une idée soufflée par des connaissances nouées dans la communauté africaine de Mayotte: fabriquer des billets de banque.
Il achète une imprimante «de très bonne qualité», un scanner, une ramette de feuilles blanches A4 et c’est parti ! Pour lui, il suffit de maîtriser l’impression recto-verso pour parvenir à ses fins. «Je me suis entraîné avec des francs comoriens», explique Issouf à la barre. Lors d’une perquisition, les enquêteurs découvrent en effet des fausses coupures de 1.000 et 2.000 francs.
Des billets introuvables
Il passe ensuite aux euros. Les enquêteurs vont mettre la main sur dix billets de 10 euros et cinq coupures de 20 euros. Méticuleusement imprimés et découpés à la règle, les faux billets sont «les premiers» qu’il assure avoir fabriqué. Un témoin parle pourtant de 2.000 euros qu’il serait parvenu à écouler malgré la grossièreté de ces faux, du fait-maison très facilement repérable.
Malheureusement, ces billets imprimés dans un banga, la cour de les verra pas. Les scellés ont été perdus dans les stocks du tribunal de Mamoudzou.
Pièces à conviction disparues, manquements de l’instruction, faiblesse de l’enquête, naïveté de son client… Me Florence Journiac n’a que l’embarras du choix des arguments pour défendre Issouf.
Le petit faussaire est condamné à 18 mois de prison dont 10 mois ferme qui correspondent à la peine de détention provisoire qu’il a déjà effectuée dans cette affaire. «Depuis la prison, j’ai compris que c’est mal», avait-il dit à la barre.
Il est donc reparti libre et devra se contenter de continuer à livrer au noir des croissants et de travailler sur la planche à pain plutôt que sur la planche à billets.
RR
Le Journal de Mayotte
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