Les acteurs de la société civile de lutte contre l’insécurité, l’immigration et la délinquance des jeunes rencontraient le candidat et maire de Bordeaux pour l’évocation de la situation de l’île, après sa visite du CRA et du quartier de Mangatélé à Kawéni. Une visite politique dans le cadre de l’élection de la primaire à droite.
Mayotte n’est évidemment pas saisie par la même ferveur qui entourait la venue du candidat Hollande en mars 2012, à deux mois des présidentielles. Alain Juppé est pour l’instant un candidat à la primaire en novembre 2016 de son parti Les Républicains « et de l’ensemble de la droite et du centre », précise-t-il, un parti que les tiraillements internes incitent certains à avancer, au fur et à mesure de la chute de la cote de popularité de Nicolas Sarkozy.
Pour l’instant, le candidat Juppé ne veut pas trop qu’on lui en parle de la présidentielle, « arrêtez ! Vous allez me porter la poisse ! », s’exclamait-il quand ses interlocuteurs évoquaient l’Elysée.
Mayotte ne ressemble plus à celle qu’il a connue en 1990, « les femmes faisaient des bises, maintenant ce sont des selfies ! ». On connaît mal Alain Juppé sur ce terrain de l’humour, qu’il n’utilisera plus trop lors des échanges ultérieur. Mais évoquait un attachement à l’Outre-mer transmise « par vous savez qui ! », en appelant à avoir une pensée pour Jacques Chirac, en mauvaise santé.
« Repenser la politique pénale »
Dès le départ, Alain Juppé donne le ton, mais encore à la mesure de la situation : « Ma visite du CRA me porte à croire que cette structure de 25 millions d’euros, c’est un peu le tonneau des Danaïdes, qui se remplit au fur et à mesure qu’on le vide. Notre politique migratoire est en échec ici. De même que pour la délinquance, la force doit rester à la loi. Nous devons repenser notre politique pénale, car sans sanctions, il n’y aura pas d’évolution. »
Lors d’une conférence de presse, il détaillera ce point qui sera un des chapitre de son livre « Pour un Etat fort” qui sort le 6 janvier 20216 : « Une opposition à la politique Taubira qui n’envoie plus en prison faute de place. 70% des peines prononcées par les tribunaux sont allégées, et nous n’arrivons pas à faire respecter les peines alternatives faute de moyens. » Pour Dominique Perben, ex-Garde des Sceaux qui l’accompagne, il faut « séparer la justice civile de la justice pénale. Le même juge ne peut pas à la fois accompagner l’enfant et le sanctionner. »
Sortir du travail tant qu’il fait encore jour
Il aura présidé deux tables rondes. Lors de la première sur l’insécurité et l’immigration, les représentants des associations « Deux mains pour les enfants » et COSEM lui ont dépeint la situation : les jeunes déscolarisés qui font dégénérer la moindre manifestation, les cambriolages de plus en plus violents avec atteinte aux personnes, les habitants obligés d’organiser des rondes pour pallier aux déficiences de la police et de la gendarmerie. Le Medef en a rajouté une couche en évoquant des journées de travail qui se finissent vers 17h30, « tant qu’il fait encore jour », par peur des agressions. Et qui demande la mise en place de vrais centres éducatifs fermés.
La maire de Sada, Anchya Bamana, traduit la difficulté par un exemple concret : « un de mes administrés s’est fait poignarder et veut se faire justice lui-même, les professionnels qui en ont la charge ne le faisant pas. »
C’est un peu abasourdi que le maire de Bordeaux clôturera la table ronde, « Je n’avais pas pris conscience de la gravité de la situation. Le débat entre sentiment d’insécurité ou insécurité est fini là ! On est dans l’insécurité. »
A l’impossible nous semblons être tenus
Ce sont les problématiques de la jeunesse qui ont été détaillées ensuite. Par Rivo tout d’abord qui rappelait le manque de salles de classes, de cantines, alors que comme le rappelait Eric Hourcade, « les élèves ici ont une grande confiance dans l’Education nationale et ses enseignements. »
Le conseiller départemental en charge de l’action sociale et de la Santé, rappelait la montée en charge indispensable de son budget de 4 millions à 20 millions d’ici 2020, s’il voulait remplir ses compétences. Il en a profité pour dévoiler le Schéma de l’enfance, «en quatre points principaux : le renforcement de la prévention spécialisée, le développement du dispositif d’accueil familial avec un objectif d’une centaine de familles d’accueil, l’accompagnement financier de l’Etat à travers un décret à venir du conseil d’état et un dispositif départemental d’accueil d’urgence.” Mais aussi évoquer le constat: “nous n’avons pas les moyens, mais vu la situation, nous ne pouvons nous contenter de dire ‘à l’impossible nul n’est tenu’!”
« Comment construire des écoles sans maîtriser le flux migratoire ?! »
Ce sera Faouzia Cordjee, leader d’entre toutes les Femmes leader de Mayotte, qui avec ses emportements habituels aura fait la synthèse entre les insuffisances de l’Etat en matière d’insécurité et d’immigration, pour évoquer le ras le bol d’une situation tendue : « L’année prochaine, on aura besoin de 20 millions de plus pour la politique sociale ! Comment construire des écoles et des hôpitaux sans maîtriser le flux migratoire ?! » « Vous poussez un coup de gueule, et vous avez raison ! », répondait Alain Juppé.
Le risque était d’avoir un candidat LR s’attaquer systématiquement aux mesures du gouvernement en place. Surtout que la situation est aussi un héritage de l’ère Sarkozy. S’il ne s’en est pas gêné pour la politique pénale, il a indiqué vouloir garder le système des rythmes scolaires, par exemple, lorsque cela fonctionne.
Les sympathisants l’attendaient ensuite au Caribou pour un discours-bilan de sa journée, mais aussi politique en revenant sur le résultat des régionales, « où nous avons remporté 7 régions. »
Le candidat aux primaires, « pas seulement des Républicains, mais aussi de la droite et du centre », n’a rien pu faire d’autre que d’écouter, comprendre et proposer quelques pistes qui pourront servir, peut-être un jour de mai 2017, si les urnes lui en donnent la possibilité.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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