L’état d’urgence décrété depuis les attentats du 13 novembre continue à soulever des critiques. Alors qu’en métropole l’assignation à résidence de sept militants écologistes peut poser un problème de constitutionnalité, à Mayotte, la Cimade s’élève contre l’intensification de la lutte contre l’immigration clandestine.
L’état d’urgence décrété après les attentats du 13 novembre, a engendré “un certain nombre de dérives”, a déclaré ce mardi matin sur France 2 le Défenseur des droits Jacques Toubon. Il évoquait notamment les nombreuses perquisitions administratives sans encadrement judiciaire.
A la suite des attentats meurtriers, François Hollande et Manuel Valls avaient modifié la loi de 1955 sur l’état d’urgence pour faciliter les assignations à résidence, et sans passer par le Conseil constitutionnel. Mais à la suite de la COP21, 7 militants écologistes avaient été assignés à résidence, et leurs avocats ont soulevé un problème de constitutionnalité.
Le débat porte sur l’article 6 de la loi qui précise que « Le ministre de l’intérieur peut prononcer l’assignation à résidence, dans le lieu qu’il fixe, de toute personne résidant dans la zone fixée par le décret mentionné à l’article 2 et à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics », ce qui n’est pas le cas pour la défense des militants. La décision sera rendue le 22 décembre, et sera déterminante pour les 354 personnes actuellement assignées à résidence en France.
« Migrants comparés à Daech »
Même écart entre la loi et la réalité, revendique la Cimade à Mayotte en ce qui concerne la lutte contre l’immigration clandestine : « La mise en œuvre de l’état d’urgence nécessite, selon la loi, qu’il y ait un ‘péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public’ ou des événements ‘présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique’. »
Or, la Cimade rappelle que le préfet avait annoncé un renforcement de la lutte contre l’immigration clandestine, dans le sens « des mesures prises dans le cadre de l’État d’urgence ». L’association dénonce de manière virulente cette association d’idées en évoquant « l’accusation implicite comparant des migrants essentiellement attirés par Mayotte pour des raisons sanitaires et économiques, aux exécutants de Daech. »
Des expulsions inefficaces
Reprenant le texte de loi, elle réfute également « la considération des migrations vers Mayotte- phénomène existant de longue date et que n’a pas entravé le visa Balladur -comme un péril imminent ou une calamité publique, pour reprendre les conditions de fond stipulées dans l’état d’urgence. »
En utilisant des phrases-choc, c’est une nouvelle fois l’amalgame entre immigration et délinquance que déplore la Cimade, « désormais devenue menace terroriste, face à laquelle même l’armée est mobilisée », pour évoquer le recours au patrouilleur et aux moyens aériens des FAZSOI.
« L’état d’urgence permet aux politiques locales d’être de plus en plus répressives à l’égard des immigrés, alors que l’efficacité même des expulsions massives pratiquées maintenant depuis de nombreuses années à Mayotte a été contestée par des institutions telles que la commission des lois du sénat et la Cour des comptes, avec un coût que l’on fixe entre 50 et 70 millions par an », reproche la Cimade.
En appelant à « l’arrêt immédiat de toute communication des autorités renforçant l’amalgame entre immigration et terrorisme et à l’abandon de la politique répressive de contrôle des frontières des autorités françaises, qui ne fait que cacher une absence criante de réflexion de fond sur l’amélioration de la situation de Mayotte et de l’archipel des Comores. »
Si la population souffre de la pression migratoire, un bilan de l’échec des expulsions n’a jamais été fait, des coûts sont avancés, mais sans les mettre en face du taux de personnes qui reviennent plusieurs fois.
A.P-L.
Le Journal de Mayotte
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