C’est une des tragédies marquantes de la 1ère partie du 20e siècle dans l’océan Indien. Sur l’île de Saint-Paul, une pêcherie a livré à la mort certains de ses employés, en les oubliant sur ce petit caillou perdu vers le grand sud.
«Faire vivre le souvenir des oubliés de l’île Saint-Paul». C’est le nom d’une association bretonne qui œuvre pour qu’une partie de l’histoire de notre région ne disparaisse pas à jamais. Présidée par Dominique Virlouvet,une des petites nièces de l’un des oubliés, elle s’est associée à l’administration des TAAF, les Terres australes et antarctiques françaises, pour perpétuer la mémoire d’un drame survenu il y a 85 ans.
L’association a organisé une série d’événements tout au long de l’année pour rendre un hommage aux six hommes et à la femme oubliés sur cette île perdue du grand sud. Saint-Paul, c’est un petit îlot de 8km2, voisin de l’île Amsterdam, aux confins de l’océan Indien et de l’océan antarctique. La France en a pris définitivement possession en 1892, intégrant ainsi dans son empire austral une vaste zone maritime jusqu’aux Kerguelen.
Du profit au mépris des personnes
Dans ces eaux, l’industrie métropolitaine de la pêche va déployer une industrie. Ainsi, à la fin des années 1920, des armateurs du Havre, les frères Bossière, pratiquent la chasse à l’éléphant de mer vers les Kerguelen. L’huile obtenue avec ces animaux rapporte bien, à tel point qu’ils décident de se diversifier. Ils étendent leur entreprise à l’île de Saint-Paul en s’attaquant au marché de la langouste. Des pêcheurs bretons et des manœuvres malgaches sont embauchés. Pendant l’été austral 1928-1929, la première campagne est un vrai succès avec 400.000 conserves réalisées. Logiquement, une seconde campagne s’ouvre fin 1929, c’est là que le drame va se nouer.
À l’issue de cette 2e saison, en mars 1930, six hommes et une femme enceinte acceptent de rester sur place pour garder les installations. Un bateau devait leur apporter du ravitaillement, trois mois plus tard. Mais le navire ne viendra jamais. Les malheureux restent finalement neuf mois à Saint-Paul, seuls sur ce caillou sans moyens de subsistance, oubliés de tous.
Les oubliettes de l’Histoire
Deux Français et un Malgache y laissent leur vie, victimes du scorbut. Un 4e, parti pêcher pour tenter de nourrir le groupe disparaît en mer. Quant au bébé né sur l’île, il ne survit pas. L’enfant était une fille, prénommée Paule. Elle succombe deux mois après sa naissance. Les survivants sont finalement récupérés le 6 décembre 1930. Il ne s’agit pas d’un sauvetage organisé. Le bateau qui rejoint Saint-Paul est affrété pour assurer une troisième campagne de pêche.
Et cette 3e campagne est également un désastre. Une épidémie de béribéri décime 44 salariés malgaches. L’entreprise «La Langouste Française» met la clef sous la porte et avec cette disparition, personne n’a jamais eu de compte à rendre et les oubliés de Saint-Paul ont sombré dans les oubliettes de l’histoire.
Notre mémoire
85 ans après, il a fallu toute l’abnégation de l’association bretonne pour qu’enfin, l’histoire ressorte au grand jour.
Avec l’administration des TAAF, l’association a célébré tout au long de cette année le souvenir de la tragédie. Le 30 novembre dernier une plaque a été dévoilée sur l’île de Saint-Paul en présence de Maryvonne Taéossian-le-Huludut, la fille de Julien le Huludut, l’un des trois rescapés. Le 20 décembre, à Concarneau, une plaque identique a été dévoilée sur le «Square des Oubliés-de-Saint-Paul», face à l’océan, par Cécile Pozzo di Borgo, préfète des TAAF et Dominique Virlouvet en présence de nombreuses personnalités dont la navigatrice Isabelle Autissier. A l’image du souvenir perpétué des naufragés de Tromelin, à l’Est de Madagascar, notre région redécouvre peu à peu la mémoire d’époques pourtant pas si anciennes.
RR, le JDM
avec le JIR
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