L’audience avait été reportée pour lui laisser le temps de préparer sa défense. Mais le délai n’y aura rien fait.
Effondré sur sa chaise, il pousse un long soupir. La juge de la détention et des libertés (JLD) Nathalie Zahi vient de lui signifier sa décision : il est placé sous mandat de dépôt. Direction Majicavo, pour un placement en détention provisoire.
L’homme est le fundi d’une école coranique de Tsoundzou 2 mis en examen le 21 décembre dernier pour des viols sur mineures de moins de quinze ans par personne ayant autorité. On lui reproche 9 faits.
Présenté au JLD une première fois il y a tout juste une semaine, son avocat Me Charles Simon avait obtenu un délai. C’est donc ce mardi qu’il a été présenté pour savoir quel sort la justice allait lui réserver jusqu’au procès : détention ou contrôle judiciaire.
La procureure Emilie Guegan sonne la charge pour obtenir le maintien en détention et déroule un tapis d’arguments. Tout d’abord, le placement en détention garantirait une meilleure conservation des preuves et des éléments matériels. Elle éviterait aussi d’éventuelles pressions sur les petites victimes. «On parle de très jeunes victimes de 7 à 13 ans et pour 7 sur les 9, on sait qu’il y a eu défloration, elles ont perdu leur virginité.»
La détention permettrait également de garantir la sécurité de l’homme mis en examen. «Pour le moment nous avons neuf victimes identifiées. Mais nous ne sommes qu’au début de l’instruction. Déjà, les habitants du quartier ont menacé de s’en prendre à lui, d’incendier son banga», fait valoir la procureure.
Trouble à l’ordre public
Autres arguments, Majicavo garantirait que l’homme ne prenne pas un kwassa vers les Comores alors qu’il est en situation irrégulière ou encore qu’il s’en prenne à d’autres petites filles. «On ne connait rien de sa personnalité. Jusqu’à présent, le mis en examen n’a rien dit. Ni en interrogatoire. Ni devant le juge d’instruction. Le risque de réitération est très élevé et on ne peut pas le prendre», estime-t-elle.
«Monsieur est un fundi. Ici, dans la société mahoraise, il a une autorité morale, une autorité de fait. Sept victimes déflorées, là encore, c’est un fait important dans la société mahoraise, avec un retentissement considérable dans l’opinion publique», conclut la procureure qui évoque un trouble persistant à l’ordre public.
18 ans à Mayotte
«Il est du rôle du juge de ne pas céder à cet émoi», répond Me Charles Simon qui tente de contrecarrer chacun de ces arguments.
Le silence de son client ? C’est un droit. Conserver les preuves ? Il ne s’opposera pas aux expertises gynécologiques. Autorité de fundi ? «Il était plus à la tête d’une garderie avec des sorties à la campagne que de véritables cours religieux». Risque de pression sur les victimes ? «Sur quelle base?» s’insurge Me Simon. «Mon client est un primo-délinquant qui n’est pas connu pour des faits de violences. On lui reproche des attouchements, pas des violences».
Quant au risque de départ, l’avocat est affirmatif : il n’existe pas. «Ca fait 18 ans que Monsieur est en France. Il n’a que sa mère aux Comores avec laquelle il n’a plus de contact. Tous les membres de sa famille sont ici. Ceux qui sont venus aujourd’hui, ils vivent bien à Mayotte», plaide-t-il en faisant référence à la huitaine de proches venus lui apporter leur soutien.
L’avocat demande un placement sous contrôle judiciaire strict, avec interdiction de se rendre à Mamoudzou.
Finalement, la magistrate ne retiendra pas ces derniers arguments. C’est bien à Majicavo qu’est parti l’individu âgé de 34 ans alors que les investigations se poursuivent autour des neuf victimes aujourd’hui identifiées.
RR
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