La cour régionale des comptes ne mâche pas ses mots face au budget du département de Mayotte. Pour elle, on assiste à une véritable dérive de la gestion qui conduit à des recommandations sévères sur le train de vie des élus, l’augmentation des impôts et le gel de l’indexation à 20%.
Treize. Le nombre ne porte pas bonheur au conseil départemental de Mayotte. Sur 13 pages, la cour régionale des comptes (CRC) étrille le budget modificatif voté le 6 octobre par le conseil départemental. «Le département a fait preuve de carence tant dans la prévision que dans l’exécution du budget 2015, de telles pratiques révèlent en outre la volonté de masquer la situation réelle». En d’autres termes, la cour des comptes constate que le département anticipe mal son budget, l’exécute n’importe comment et tente de mentir par des jeux d’écritures comptables.
C’est le préfet qui a saisi la chambre après avoir estimé que le budget n’était plus en «équilibre réel». La CRC avait 30 jours pour réagir. Son avis est tombé le 30 décembre. Elle reprend en détail chaque ligne comptable du budget modifié : «après correction des inscriptions nouvelles, insincères ou erronées, le budget 2015 du département de Mayotte» se présente avec un déficit global de 49.741.047 euros (37,1M€ dans la section fonctionnement et 12,6M€ dans la section investissement).
+12% de charges de personnel
Tout y passe dans ce qui apparaît comme un grand magnegne budgétaire. La CRC constate d’abord l’augmentation de 39% (+7,5M€) des charges à caractère général (pour prendre en compte des dépenses déjà engagées en 2014 et le nouveau marché des transports scolaires). Il y a ensuite les charges de personnel qui grimpent de 12% (+11,7M€) pour atteindre 111,2M€. Le département parle de majoration de traitement, d’intégration d’agents non-titulaires, d’évolution des carrières… mais «omet de préciser» le maintien sur le premier semestre 2015 d’un «nombre important d’emplois saisonniers, environnement et d’emplois vacances» dont «le coût est supérieur à 4M€ en 2015».
La CRC fait ensuite toute une série de corrections de données comptables «manifestement insincères» comme sur les subventions : le département en a attribué pour 10,3M€ alors que le budget primitif n’en portait que 4,39M€ et le budget modificatif pour 5M€ de plus… Il manque encore 2,36M€ ! Une situation qui serait liée aux manquements de l’exécutif précédent, selon certains élus.
On trouve aussi une mauvaise imputation des dépenses relatives à la formation professionnelle, au personnel de la «mission RSA» ou d’une somme de 500.000€ présentée comme une subvention au STM pour l’acquisition d’une nouvelle barge.
Dans ce budget, le département tente aussi de faire glisser des recettes 2016 dans le budget 2015, comme pour la «redevance d’occupation du domaine public».
Des investissements non budgetisés
Par ailleurs, le département a provisionné beaucoup d’argent: 5,2M€ pour faire face au litige qui l’oppose à la CCI suite à la rupture anticipée du contrat de concession du port de Longoni et 14,8M€ pour faire face «à l’apurement de créances douteuses»… La CRC invite le département à provisionner ces sommes sur plusieurs années et demande de réduire de moitié cette ligne budgétaire.
Et ce n’est pas tout ! Sur les investissements aussi, le département s’est lâché: 9,3M€ de dépassement soit quasiment 50% de plus que ce que prévoit le budget. 18,1M€ votés, 27,5M€ dépensés!
Conclusion cruelle : la CRC constate que le département a renoué avec les «mêmes errements» que dans les budgets de la période 2009-2012, au moment où il tentait de redresser ses comptes.
Déplacements des élus et impôts
Face aux remarques, le département fait des propositions: maîtriser les charges de personnel à 108M€ (avec une indexation à 30%), baisser les charges de gestion courante autrement dit son «train de vie» de 11,7M€ en encadrant (enfin !) les «interventions, participations et frais de déplacement des élus». Mais aussi en tapant les Mahorais au portefeuille: la taxe foncière passerait de 3% à 5,1% (2,3M€ de gain pour le département), le suivi de la taxe d’aménagement rapporterait 2,2M€, de nouvelles taxes 0,5M€ et «l’optimisation du fonctionnement des régies et le suivi des redevances» 4,5M€.
Ces mesures, la CRC les juge «nécessaires» mais surtout «insuffisantes pour permettre le rétablissement de l’équilibre budgétaire à court et moyen terme».
Bloquer l’indexation à 20%
Si elle convient qu’il faut augmenter les impôts, elle demande d’autres mesures sur les dépenses salariales: «la chambre n’a d’autre choix que de proposer au département de geler la majoration de traitement des agents au niveau 2015». Autrem
ent dit, l’indexation ne passerait pas à 30% mais resterait à 20%. La CRC rappelle la règle: «aucune rémunération d’emploi ne peut intervenir si les crédits disponibles ne le permettent».
Par ailleurs, la CRC note que le département a choisi d’étendre l’indexation «de manière irrégulière aux personnels contractuels», «lesquels ne pouvaient y prétendre».
La poursuite de la montée en charge de l’indexation coûterait 4M€ supplémentaires par an jusqu’en 2017, un financement qui n’est assuré ni en 2015 ni dans les années à venir» alors que le département «n’exerce pas pleinement les missions obligatoires qui lui incombent», tacle la chambre. La CRC demande enfin, comme depuis 2009, d’augmenter les tarifs de la barge pour faire baisser les subventions.
Au final, face à ce qu’elle juge comme un «défaut persistant de pilotage financier», la chambre demande de «réorganiser toute (la) chaîne en matière d’engagement des dépenses et de suivi de l’exécution financière, en limitant de façon drastique le nombre de personnes habilitées à engager la signature du département». Ultime demande : que le prochain budget primitif intervienne au plus tard le 15 avril 2016.
RR
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