CARNET DE JUSTICE DU JDM. Le tribunal correctionnel de Mamoudzou avait à juger une affaire vieille de 15 ans particulièrement délicate. Elle pose la question de la place de personnes malades psychiatriquement et considérées comme dangereuses pour la société dans notre département où aucune structure psychiatrique ne peut durablement les prendre en charge et les isoler.
Les faits portent sur une agression sexuelle qui s’est déroulée en 2000. L’homme a 50 ans, il invite une petite fille de 8 ans chez lui, se déshabille et demande à la fillette de faire de même. Il procède alors à des attouchements sexuels. A la barre, il reconnaît les faits même s’il propose des récits très différents à chaque réponse.
A cette époque, la fillette raconte la scène à ses parents mais ils ne veulent pas aller en justice. Les mentalités permettent encore moins qu’aujourd’hui de porter l’affaire sur la place publique. La fillette devient adolescente puis une jeune adulte mais le mal-être profond lié aux événements ne s’estompe pas. Les experts retracent d’ailleurs «sa grande souffrance», parlent de ses cauchemars et de ses pensées suicidaires.
Elle porte plainte à sa majorité
A 18 ans, tout juste majeure, les faits ne sont pas encore prescrits. Elle décide de porter plainte et parvient encore précisément à décrire le fil des événements. La procédure judiciaire est enclenchée contre un homme qui, entre-temps, a commis d’autres faits similaires. Il a été condamné en 2005 par la Cour criminelle de Mayotte à 7 ans de prison pour un viol commis sur une mineure de moins de 15 ans.
Le tableau psychiatrique que dressent les experts de cet homme fait froid dans le dos : «névrose hystérique», «schizophrène», «tendance à la fabulation», «peu de capacités d’anticipations des conséquences de ses actes». Finalement, «il est dangereux et pourrait recommencer à avoir des contacts sexuels avec des jeunes filles d’un très jeune âge».
Depuis sa sortie de prison, l’homme est sous contrôle judiciaire et il est placé dans le centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) de Tsararano. Si la nécessité de l’écarter semble bien comprise, la structure n’est pas le bon endroit pour une forme «d’internement». A la barre, les responsables du CHRS expliquent qu’ils ne savent pas s’occuper de ce genre de cas et que l’homme mobilise un agent en permanence pour éviter qu’il s’enfuie. Mais même dans ces conditions, il est à nouveau parvenu à faire des avances, au mois de septembre dernier, à une petite fille de 9 ans.
Dangereux «encore longtemps»
Que faire aujourd’hui de cet homme? La procureure Guégan comme Me Andjilani, l’avocat de l’homme, vont réfléchir, chacun à leur façon, à «la moins mauvaise des solutions». La procureure requiert une peine de prison de 3 ans puis un suivi médico-judiciaire de 10 ans, le maximum que permet la loi, et une interdiction d’entrer en contact avec des mineurs.
Mais ensuite? Où sera-t-il lorsqu’il sortira? «Il a 60 ans aujourd’hui. Il va être dangereux encore longtemps», relève la procureure.
Un placement chez sa sœur qui se dit prête à l’accueillir et à s’assurer qu’il prenne ses traitements? Installée dans le village de Koungou, elle ne pourrait pas garantir à 100% une récidive.
Besoin criant de structures psychiatriques
«On vient de mettre en place un observatoire de l’immigration. Il faudrait mettre en place un observatoire de nos ‘fous’», affirme Me Andjilani. Et l’avocat de lister des affaires de violence ou d’agression sexuelle, dans lesquelles la place des condamnés n’est pas en prison mais dans une structure psychiatrique fermée, qui fait défaut dans notre département.
Le tribunal se donne le temps de la réflexion. Le président Sabatier a mis sa décision en délibéré au 9 février prochain, le temps de trouver «la solution la plus adaptée».
La mise en place de structures médicales psychiatriques dignes de ce nom dans notre département semble, plus que jamais, relever d’une véritable nécessité.
RR
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