Des collégiens de Kawéni ont mis en œuvre ce samedi pour la première fois, une méthode originale d’observation et de suivi du corail basée sur la pratique du kayak. Le début d’une longue aventure.
On leur avait prédit de la pluie. C’est finalement le soleil qui a accompagné les jeunes de l’opération «Moina Mwamba», littéralement «les enfants du corail». Ils sont neuf, tous élèves en 4e à Kawéni dans une classe d’excellence du K1… l’occasion de casser les clichés sur les jeunes du quartier mais aussi sur l’implication des enseignants. Car de part et autre, c’est de rigueur, de passion et de transmission dont il est question.
Ces jeunes ont été embarqués par Françoise Pontière, leur prof principale également enseignante d’EPS, dans sa volonté de prendre part à une action hors norme, où le temps scolaire et les moments en dehors de la classe se mêlent et se complètent pour faire progresser les élèves et plus encore, la connaissance scientifique du lagon de Mayotte.
Ce samedi, c’était donc à la fois l’aboutissement d’une démarche et le début d’une véritable aventure. Ces dernières semaines, avec leur prof de sport, les gamins ont appris à nager à la piscine Koropa. Ils ont ensuite participé à des sessions pour découvrir le kayak et apprendre à maîtriser son maniement.
Avec Alban Jamon, leur prof de SVT (science et vie de la terre) et véritable bibliothèque vivante de la recherche scientifique dans le lagon, ils ont également découvert les coraux. Chaque collégien s’est spécialisé sur une ou deux familles, qu’il connaît parfaitement. Les neuf étaient donc prêt à passer à l’action ce samedi, prêts à débuter leur mission.
Première étude sur 50 mètres
Sur Musical Plage, ils ont testé, grandeur nature, une nouvelle méthode d’observation du corail créée par l’association Messo Environnement avec un biologiste Mahorais «Kamal» Rakamaly Madi Moussa. On doit déjà à ce jeune doctorant, un travail sur la «dynamique des poissons» et une étude sur les mangroves de Mayotte.
Les collégiens sont partis en kayak de Musical Plage direction l’îlot Bambo pour leur première observation, une fois la question de l’accessibilité des embarcations réglée*.
Il s’agissait de couvrir les zones sous-marines en bordure d’une ligne de 50 mètres sur littoral de l’îlot. Chaque jeune ayant sa spécialité, ce sont 14 espèces de coraux dont le nombre, la répartition et l’état ont été établis, précisément, zone par zone.
Observation avant cartographie
Et pour le début de l’expérience, ce fut plutôt une bonne surprise avec des coraux sans trace de filets et peu recouvert d’algues. Car avec la surpêche des poissons de récifs, la question du développement des algues qui étouffent les coraux se pose. Seule inquiétude, le blanchiment de certains espèces: le phénomène El niño et les chaleurs historiques que nous avons connu jusqu’au début du mois de janvier n’y sont pas pour rien.
Désormais, les jeunes sont amenés à revenir, par petits groupes, pour poursuivre ce travail. De façon quasiment hebdomadaire, ils vont peu à peu couvrir l’ensemble du récif qui entoure les presque 2 kilomètres de littoral de l’îlot Bambo.
Et la mission qu’ils se sont donnés ne fait que commencer. L’observation et le suivi de l’évolution du corail est une première phase. Ensuite, il sera question de cartographier les richesses sous-marines autour de l’îlot pour aboutir à la création d’un sentier sous-marin, vieux serpent de mer qui pourrait ici, enfin, voir le jour.
Démultiplier l’opération
Et si cette opération, aussi formidable qu’elle soit, ne concerne qu’un îlot sur l’immense littoral de Mayotte, l’association Messo souhaite la démultiplier. En impliquant les autres clubs de kayak du département, d’autres zones pourraient également être analysées et d’autres scolaires impliqués.
Quant à l’objectif à long terme, il est encore plus ambitieux. Il consiste à envisager une mise en culture des coraux les plus fragilisés de notre littoral pour ensuite les réintroduire sur les récifs. En espérant que d’ici là, cette aventure aura changé le cours de la vie des collégiens de Kawéni. Certains d’entre eux seront peut-être devenus des spécialistes des coraux à même de piloter une expérience qui serait, elle aussi, inédite dans le département.
RR
www.lajournaldemayotte.com
*La question du nombre de kayaks disponibles pour les clubs continue de se poser. Comme le JDM le racontait voici quelques mois, un grand nombre de kayaks ont été subventionnés il y a quelques années, à destination des clubs. Mais les embarcations se sont retrouvées totalement accaparées par des établissements scolaires en semaine voire parfois privatisés le week-end par des enseignants. Et rien ne semble vraiment changer.
Le collège de Bandrélé, sollicité pour compléter le nombre de kayaks du club de Musical Plage pour cette opération, a décliné, préférant laisser ses kayaks sous clés. Ce sont donc ceux du collège de Dembéni qui ont finalement fait le trajet vers Musical… Décidément, sur ce dossier-là, rien n’est encore réglé.
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