« Madame la directrice de cabinet, pourquoi à Mayotte on ne se soucie que des droits des enfants, et pas de leurs devoirs ?! », c’est un parent d’élève du collège de Chiconi qui interpelle ainsi la sous-préfète Florence Gibert-Bézart. Elle était accueillie sous la pluie par une délégation de parents qui annoncent soutenir les enseignants en droit de retrait depuis deux semaines.
Ils demandent des effectifs et des moyens matériels pour retrouver la sérénité d’enseignement. Le secrétaire général de la préfecture Bruno André avait annoncé la sanctuarisation des établissements scolaires, c’est en cours.
Après le collège de Tsingoni en début de semaine dernière, doté de vidéo surveillance et d’une clôture défensive, c’était donc le tour de celui de Chiconi ce vendredi. Ce qui devait être au départ un petit CLSPD, un Conseil local de Sécurité et de prévention de la délinquance, avec gendarmerie, procureur, vice-rectorat, principal du collège et élus, s’est mué en une réunion élargie où parents d’élèves et enseignants comptaient porter une parole. Etaient également présent le maire de Chiconi, la directrice de l’association de médiateurs Peps, la conseillère départementale de Ouangani et le conseiller spécial du président du département. Il s’agit en effet de son canton.
Des mineurs punis quand ils sont retrouvés
Le sujet portait sur la sécurisation du collège, mais débordait à plusieurs reprises sur les causes périphériques des tensions qui touchent l’établissement.
Florence Guilbert-Bézart a demandé en urgence un diagnostic sécurité à la gendarmerie. Un état des lieux satisfaisant, puisque la clôture est en cours de réhabilitation et que la vidéo protection sera opérationnelle d’ici quelques semaines, « ça permettra à la vie scolaire d’être attentive aux débordements, c’est autant préventif que curatif », pour la sous-préfète. Mais le diagnostic identifiait surtout les problèmes de rivalités Ouangani-Chiconi.
C’est ce que pointait également le procureur Joël Garrigue : « le problème qui sévit dans le collège n’a pas pris naissance en son sein. » Une déléguée de parents d’élève rapporte en effet le même phénomène qui se généralise à l’ensemble de l’île : « Dans les villages, des chefs de gang, connus des forces de l’ordre, qui ont grandi en métropole, sévissent et ne sont pas punis. » Le genre d’argument qui fait habituellement sortir Joël Garrigue de ses gonds, ce qu’il fit, en martelant sa fatigue de courir après les victimes pour qu’elles témoignent : « vous dites toujours, ‘on sait qui sait’, mais pour déposer plainte, il n’y a plus personne ! » En rappelant que des mineurs auteurs de faits de violence à Tsingoni avaient été retrouvés et placés sous contrôle judiciaire.
Cette fois, il ne repartira pas bredouille, puisque le principal a identifié les élèves impliqués dans les évènements, une liste qui lui sera remise.
Casseurs et réparateurs
Des jeunes qui se retrouvent livrés à eux-mêmes, sans autorité parentale, ce que reprochent les parents d’élèves, mais sans parvenir à avoir l’ascendant. C’est pour cette raison que les enseignants ont battu les places publiques de Chiconi la semaine dernière et c’est aussi dans cet esprit que le principal Didier Cauret a instauré des conseils de parentalité les samedis après-midi, « avec un beau succès dès la première semaine puisque nous avons eu 94 parents pour 94 élèves de 6ème ».
Un problème que cette parentalité, pour des parents qui sont passés d’un modèle de corrections poussées, à une société où ils ont l’impression que le droit des enfants est systématiquement mis en avant. La notion même de contrôle judiciaire même leur est étrangère car non expliquée, alors que la loi du talion qui sévit toujours dans les villages impose une transition et des punitions plus adaptées, comme la réparation systématiques des biens détruits.
Florence GB souhaitait d’ailleurs que se tienne un CLSP élargi, « avec soutien et aide à la parentalité. »
Mais ce que les enseignants attendent surtout, c’est d’être épaulé, ils le diront à plusieurs reprises, dans cet établissement de 1.730 élèves et ses 53 classes. Ils souhaitaient 21 CUI, pour lesquels ils n’ont aucune certitude. Plusieurs Volontaires de Service civique seront recrutés, alors que les mairies de Chiconi et Ouangani leur mettent à disposition 12 médiateurs Peps, financés par l’Etat (politique de la ville et FIPD).
Des enseignants qui déplorent qu’il ait fallu un rapport de force, « avec deux semaines d’arrêt des cours et un CLSPD », pour obtenir des avancées de l’Etat et de la mairie.
Ils indiquent suspendre le droit de retrait « qui pourrait reprendre au moindre incident. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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