Les nouveaux taux d’octroi de mer continuent de faire des mécontents. Dernier en date, le Medef, poussé par la Fédération du bâtiment (FMBTP), annonçait une manifestation le 11 février devant les portes du conseil départemental. Qu’ils ont annulé, constatant la situation de blocage de l’hémicycle, pour les mêmes raisons, par les Femmes leader et des entrepreneurs y campant depuis lundi. Ils demandent tous à être reçus par le président.
Ils ont reçu l’appui de la CGPME, puisque Said Bastoi, le président de la Confédération générale des PME, annonce dans un communiqué “s’associer aux autres organisations patronales pour tenter de ramener à la raison une assemblée départementale qui semble avoir perdu toute capacité à discuter et à penser.”
Le principal reproche des entrepreneurs du BTP porte sur le taux applicable aux parpaings, passé de 0% à 30% depuis l’application du nouveau dispositif d’octroi de mer. Les médicaments ont suivi une hausse moins importante, de 5 à 10%, suffisant pour la levée de bouclier des teneurs d’officines.
Ces taxes à l’importation sont destinées à pénaliser les importations de biens (octroi de mer externe) dans les secteurs où existe une production locale. Celle-ci étant exonérée, ou minorée (octroi de mer interne).
Pas de répercussion à la baisse
Face au mécontentement, le président du département a refusé tout retour sur la délibération prise le 11 décembre 2015, arguant que les produits de première nécessité avaient été épargnés, en témoigne la baisse de 5 points sur l’importation de chaussures, d’électroménager, ou de 3 sur la viande.
Il se base surtout sur trois constats : avec l’ancienne réglementation, les prix des produits non taxés n’ont pas baissé, de même, les coûts de la construction ont augmenté malgré l’application d’un octroi de mer à 0%, et l’inflation a également augmenté de 0,9%, chiffre malgré tout faible par rapport à la moyenne à Mayotte. Donc, autant taxer…
Soibahadine Ibrahim Ramadani invite néanmoins à faire remonter à ses services les impacts chiffrés de la hausse des taux sur le chiffre d’affaire, « des révisions seront possibles ».
Certaines décisions sont malgré tout étonnantes, comme le passage des préservatifs en taxation haute, passant de 5 à 30%, alors qu’il faut encourager une politique de régulation des naissances, et de protection contre les maladies sexuellement transmissibles. Idem, les climatiseurs, qui ne sont plus taxé qu’à 30% (ils étaient à 50%), alors même que La Réunion a choisi de diminuer plutôt celle des ventilateurs, pour encourager leur utilisation mois énergivore. Dans le même esprit, les ampoules électrique standards ont vu leur taux diminuer de 40 à 30%, alors que les led à économie d’énergie, sont passées de 20 à 30% de taxation.
Un choix protecteur
Les conseillers sont accusés également de ne pas avoir protégé la production locale, en choisissant par exemple de diminuer la taxe à l’importation sur les fruits et légumes à 5%, alors que l’agriculture locale a tant de mal à être compétitive.
Côté grogne provoquée par l’octroi de mer, notre département n’est pas isolé. A La Réunion, à la suite de l’augmentation des taux sur la farine à 6,5%, des boulangers importateurs avaient manifesté leur désapprobation. Alors que l’île produit localement 70% de la farine qu’elle consomme, ils estimaient avoir le droit de choisir leur fournisseur. Difficile arbitrage entre protection interne et libre concurrence… la raison même pour laquelle l’Europe n’aime pas cet octroi de mer, qu’elle a reconduite jusqu’en 2020 en grinçant des dents.
Fossé de développement entre Mayotte et les autres DOM
Mais en Guadeloupe, les entrepreneurs ont eu la chance d’être entendus par leur conseil régional qui les a reçus le 12 janvier dernier. Une démarche de concertation qui les a semble-t-il satisfait. Sur la lancée, la présidente de la CGPME guadeloupéenne a demandé une harmonisation des taux entre les trois départements français d’Amérique : la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique.
Une démarche plus difficile à mener ici avec La Réunion, comme nous l’explique Jean-Pierre Salinière, le Directeur général des services du conseil départemental de Mayotte : « Nous avons aligné tant que faire se peut les taux sur les leurs. Mais nous n’en sommes pas au même stade de développement. Ils peuvent taxer le matériel nécessaire à la construction des routes, quand nous avons encore tout notre réseau routier à développer. »
Il défend la délibération prise en décembre dernier : « Nous n’avons même pas cherché à augmenter nos recettes. » Des recettes qui abondent les caisses des communes et du conseil départemental, qui ne bénéficie pas, comme le souligne le rapport de la cour des comptes, d’une dotation globale de fonctionnement de l’Etat suffisante, qui pourrait lui laisser des marges de manœuvre dans la fixation des taux.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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