Le 8 février dernier, un groupe de 6 jeunes de Doujani se rend à Tsoundzou, un village voisin, pour récupérer un téléphone portable. Sur place ils en viennent aux mains avec d’autres jeunes du village, qui blessent l’un d’entre eux à la fesse par arme blanche. Ils se replient alors vers Doujani et rencontrent deux jeunes qui reviennent de Passamainty : « Vous êtes de quel village ? », s’enquiert le groupe.
Les deux jeunes sont de Tsoundzou, mais n’ont aucun rapport avec la rixe qui s’est déroulée auparavant. L’un d’entre eux sera malgré tout frappé, maintenu et « quasiment étranglé », précise le procureur, il reçoit un coup de couteau qui touchera son cœur.
Admis à l’hôpital dans un état grave, ses jours ne semblent pas en danger dans un premier temps, les policiers espèrent pouvoir l’entendre. Mais son état se dégrade, et il décède dimanche dernier.
Pas d’alcool ni de stupéfiant
Quatre des jeunes identifiés sur six sont interpellés, et l’un d’entre eux, « âgé de 15 ans et demi », reconnaît être l’auteur du coup de couteau. Ils ont tous été présentés au juge d’instruction, mis en examen pour meurtre, et placé en détention provisoire.
L’enquête ne révèle pas d’empire d’un état alcoolique ou de stupéfiant, « mais plutôt une forte conscience territoriale, il a été frappé parce qu’il venait de Tsoundzou », appuie le procureur qui dénonce régulièrement ces rixes entre villages. Elles ont maintenant fait un mort. Un fait d’autant plus grave que ce ne sont pas des mineurs en errance : au moins trois sont français, ils sont tous les quatre scolarisés et n’ont pas de casier judiciaire.
Fait aggravant, si l’un d’entre eux a craqué devant le juge, certains jeunes se sont malgré tout vantés de leur acte auprès de leurs proches.
Si la qualification de meurtre est maintenue, ils risquent 30 ans de réclusion criminelle, « majeur comme mineurs. Pour ces derniers, la cour d’Assises des mineurs devra décider si l’excuse de minorité peut atténuer leur peine », indique Joël Garrigue.
Circuit court contre la délinquance
Il profite de la présence des médias pour souligner que la moindre tentative de représailles à la suite de cette affaire, « conduirait directement leurs auteurs à la prison de Majicavo. »
Constatant les phénomènes d’aggravation de la délinquance dans la zone de Mamoudzou, le procureur et le maire ont décidé de mettre en place un nouvel outil, le Groupe local de traitement de la délinquance. Ce GLTD est une déclinaison plus réactive et plus concrète du CLSPD « aux décisions plus politiques ». Constitué du procureur, des représentants des polices nationale et municipales, de la mairie, de la préfecture, il permet de convier une autre partie, concernée par un phénomène précis : « La SIM lorsqu’il a fallu détruire le squat de la rue des Bougainvilliers, mais ce pourra être le vice-rectorat sur les violences en milieu scolaire. »
Le GLTD pourra se déplacer un peu partout à Mayotte en fonction des problèmes : « Nous espérons des résultats plus rapides qu’avec le CLSPD. » Ce dernier avec son côté mammouth pour le nombre de ses participants, pourrait donc être supplanté par des GLTD plus mobiles et aux acteurs plus motivés.
Le procureur répondait d’un mot aux interrogations sur la tête et le fémur en décomposition avancés découverts à Coconi : « ADN », dont les prélèvements permettront peut-être d’identifier le corps, « mais toutes les disparitions ne sont pas forcément signalées. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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