Jusqu’à présent, difficile d’y voir clair sur qui fait quoi au conseil départemental. Les recrutements étaient abondants et clientélistes aux approches des élections, et l’absence d’organigramme permettait de maintenir un flou néfaste à sa gestion.
Depuis quelques semaines, les cadres et leurs Directeurs généraux sont convoqués chez Soibahadine Ibrahim Ramadani, le président du conseil départemental ayant annoncé, dès son élection, une réorganisation de ses services. Cela fait partie de son plan d’action pour le redressement de la situation financière et l’amélioration de l’administration du département.
Certains vont donc perdre leur poste, des concentrations permettant de faire des économies d’échelle, parfois même d’énergie. Plusieurs cadres se plaignaient en effet d’être bridés par leurs DGA dans l’exercice de leurs missions. Le CESEM avait toutefois déjà mis en garde contre les rancœurs et résistances internes qui pourraient s’exprimer et tuer la réorganisation dans l’œuf : « Il ne peut y avoir des résultats probants sans une adhésion forte des élus et des cadres dirigeants comme des agents en général dans une culture de résultats », rappelle son avis.
Des garanties de compensations
La nouvelle organisation propose 5 pôles de compétences, assis sur cinq directions générales adjointes : un Pôle développement économique, attractivité du territoire et formation, un Pôle aménagement du territoire et développement durable, un Pôle solidarités et services à la population, un Pôle enfance, famille et prévention, et un Pôle gestion des ressources.
Le CESEM propose de les réorganiser de manière plus rationnelle. Notamment en concentrant sous une même direction la gestion des fonds du contrat de projet qui planifie le développement du territoire, et celles des fonds européens
Face à « l’état d’impréparation législative dans lequel se trouve le département pour recevoir de nouvelles compétences », tel que l’avait relevé la Cour des comptes, le CESEM préconise de rattacher la mission d’étude de ces transferts, notamment les routes, collèges et lycées, à la direction générale du département.
C’est la même méfiance vis à vis des domaines qui demeurent régaliens, comme les dépenses liées à l’immigration clandestine, qui incite le CESEM à rester prudent sur le Pôle Solidarités qui recouvre l’action sociale : « le Conseil départemental court un gros risque d’ériger un système administratif avec des dispositifs financiers à construire sans aucune garantie en termes de compensation de la part de l’Etat. » Difficile de savoir dans quelle mesure le conseil économique sera entendu sur cette réorganisation vitale pour le département.
Des investissements sans épargne
Le deuxième rapport concerne les investissements du territoire, à la fois Région et département. Jusqu’à présent, ils se faisaient au coup par coup, à la demande. Ils sont désormais planifiés sur plusieurs années, 2016-2021, à travers un Plan pluriannuel d’investissements.
Premier problème, de taille : le département ne dégage pas d’épargne. Plombé par une masse salariale importante de 3.000 agents, il avance une capacité d’investissement de 22,7 millions d’euros, soit la moitié des engagements nécessaires.
Le CESEM appelle à plus de précisions dans les programmations avec la présentation indispensable d’une feuille de route pour chacun des projets : état d’avancement des phases amont du projet, répartition des attributions si partage ou non de la maîtrise d’ouvrage, planning d’opération… Avec un point à mi-parcours.
En conséquence, la constitution d’une « cellule aguerrie en matière de montage et financement de projets, à la faveur de l’organisation des services à venir, semble plus que nécessaire. »
Des négociations regardées de prés
Enfin, le débat d’orientation budgétaire affiche la volonté du département de redresser la barre. Comme en son temps Daniel Zaïdani, Soibahadine Ibrahim Ramadani propose de définir avec l’Etat une convention de restructuration financière, 2016-2021 afin « de proposer une nouvelle trajectoire financière pour infléchir la tendance haussière de la dépense ». Le précédent avait porté ses fruits… sur une courte période. Difficile de tenir la rigueur.
Si le département avance un « budget rigoureux et responsable », le CESEM déplore qu’il soit trop vague : le budget de fonctionnement est annoncé à 250 millions d’euros et le financement des programmes d’investissement à 30 millions d’euros, mais il dépend étroitement de l’aboutissement de négociations, notamment sur la Dotation globale de fonctionnement ou la répartition de l’octroi de mer. On peut cependant raisonnablement espérer que l’appui du rapport de la Cour des Comptes penchera en notre faveur…
En tout état de cause, le CESEM appelle à davantage de précisions, à affecter les budgets aux grandes lignes des politiques publiques de la Région/département.
On saura ce matin en séance plénière s’il a été lu et entendu.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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