La nouvelle fait des remous dans l’institution. Un premier président de cour d’appel ciblé par la plainte d’un juge d’instruction, même suspendu, on peut parler d’affaire «hors normes», reconnaît une source judiciaire. C’est pourtant bien ce qui vient de se produire au tribunal de grande instance de Mamoudzou, où le magistrat controversé Hakim Karki vient de déposer une plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d’instruction.
Celle-ci vise nommément l’ancien premier président de la cour d’appel de Saint-Denis, en poste de 2011 à 2014, Dominique Ferrière. Hakim Karki l’accuse d’avoir commis des faux et usages de faux dans le cadre de son évaluation de carrière. Des faits qui, concernant un haut magistrat, relèvent de la cour d’assises.
Selon les informations du Journal de l’Île de La Réunion, le juge Karki se prévaudrait d’une décision du tribunal administratif accréditant sa thèse, notamment sur la datation desdits documents. Ceux-ci consignent les appréciations faites du travail et du comportement du magistrat par sa hiérarchie. Or, dans le cas d’Hakim Karki, on peut imaginer qu’elles n’étaient pas des meilleures.
Propos et dossiers sensibles
En effet, le juge d’instruction a déjà eu à se défendre devant ses supérieurs, pour avoir notamment tenu «des propos dénigrant l’institution», et a également été ciblé par une enquête en 2012 pour violation du secret de l’instruction.
Hakim Karki reste aussi associé à l’affaire Roukia et celle du Groupe d’intervention régional (GIR) de Mayotte, qu’il a commencé à instruire en 2011. Un travail partiellement validé en janvier dernier avec la condamnation d’un gendarme et d’un policier pour l’homicide involontaire de la jeune Mahoraise. Quant aux autres opérations suspectes menées par le GIR, elles font l’objet d’une information judiciaire toujours en cours d’instruction.
Une confrontation
Mais alors que son adversaire désigné occupe aujourd’hui le poste prestigieux de premier président de la cour d’appel de Bordeaux, Hakim Karki se trouve lui au banc de l’infamie. En juillet 2014, il est accusé de viol par une fonctionnaire de l’Éducation nationale en poste à Mayotte. Des faits sordides qu’il nie, évoquant une relation consentie. Mis en examen, écroué, puis remis en liberté sous contrôle judiciaire, Hakim Karki est actuellement suspendu de ses fonctions, une procédure disciplinaire étant pendante devant le conseil supérieur de la magistrature (CSM).
Ce dossier criminel, dépaysé à Paris, aurait enfin connu une avancée il y a quelques semaines, avec la confrontation du mis en examen à son accusatrice. Sans qu’on sache si cette mise en présence a modifié la donne, ni son impact quant à l’issue du dossier.
Vers un dépaysement
Toujours est-il que l’offensive du juge Karki contre sa hiérarchie démontre qu’il n’a pas l’intention de se laisser enterrer sans rien faire.
Sa plainte a toutes les chances de voyager vers une autre juridiction française. En effet, comme l’exige la procédure, le doyen des juges d’instruction saisi de la plainte l’a transmise au procureur de la République de Mayotte afin de connaître ses réquisitions. «Je ne vois pas comment on pourrait instruire ce dossier à Mayotte. Cela ne me paraît pas concevable pour la sérénité de l’enquête et le bon fonctionnement de la juridiction», indique Joël Garrigue au JDM.
La cour de cassation pourrait donc rapidement désigner un juge d’instruction d’une autre juridiction, un «dépaysement» dans le jargon judiciaire.
RR, le JDM
avec Sébastien Gignoux, le JIR.
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