Structure de contrôle interministériel du secteur social, l’Inspection générale des Affaires sociales audite ou évalue des structures ou des politiques, et son acronyme est généralement associé à un remaniement des services. Et c’est le cas à Mayotte.
Ce sont les difficultés rencontrées à l’Aide Sociale à l’Enfance, l’ASE, au sein de la Direction de la solidarité et du Développement social (DSDS), qui a incité le conseil départemental à faire appel à l’IGAS : défaut de placement, maltraitance, forte mésentente entre la directrice et le DGA en charge du social, « la persistance de cette situation conflictuelle nuit gravement au fonctionnement de la DASE et de la DSDS, chacun des protagonistes ayant des partisans et des détracteurs au sein des services », pointe l’IGAS dans son rapport.
JDM : Outre la « stagnation de l’ASE sur 2010-2013 » et une « surcharge incontrôlée des familles d’accueil », quelles sont les principales critiques formulées par le rapport ?
Issa Issa Abdou : « Évoquons le sujet de la dotation de l’État. Elle est clairement insuffisante sur l’ASE selon l’IGAS, et bien supérieure aux 6 millions d’euros que nous avions évalués pour 2016. Lorsque la collectivité départementale récupère les PMI (Protections maternelles infantiles) en 2006 et l’ASE en 2008, les dotations de l’Etat sont insuffisantes. Avec 9.000 accouchements pris en charge par le CHM en 2015, ce sont autant de consultations pré et post natales que nos PMI ont du effectuer. Or, les quatre cinquièmes des femmes ne sont pas affiliées à la sécurité sociale. Ce n’est pas au département à prendre en charge ces impacts des flux migratoires.
Mais l’IGAS pointe surtout la désorganisation du service de la solidarité et du social, des problèmes de pilotage, de management, des doublons. Elle n’évoque pas directement de maltraitance dans les familles d’accueil, mais on le lit en filigrane, et surtout insiste sur l’agrément que seules une vingtaine de familles d’accueil sur 76 auraient du obtenir si on se réfère aux critères métropolitains. »
JDM : Concernant le recueil d’informations préoccupantes sur les mineurs en danger, le rapport est très sévère en parlant de 175 informations qui n’ont fait l’objet d’aucun traitement jusqu’au 15 septembre 2015 et de 136 demandes d’évaluation qui n’ont eu aucun retour…
Issa Issa Abdou : « C’est une critique que nous avions déjà par l’observatoire départemental de protection de l’enfance en danger. C’est avant tout un problème de personnel et d’organisation. Les informations partent de l’Education nationale ou du procureur et redescendent vers nous, le contraire de l’organisation habituelle. En cause, notre manque criant de travailleurs sociaux et d’éducateurs spécialisés. Et quand il y en a, nous ne savons pas les garder. Il y a quelques jours, nous avons perdu une assistante sociale au profit de la Caisse, c’est douloureux. L’IRTS (Institut Régional du Travail social) va s’implanter à Mayotte à ma demande, avec une réécriture de la convention mentionnant une obligation de travailler ensuite pour le département, financeur de la formation. Ce qui suppose par contre d’être réactif et professionnel en matière de ressources humaines de notre côté. Elément positif, nous avons recruté deux médecins de PMI, dont un directeur.»
JDM : En dehors de cette mesure, que comptez-vous mettre en place en réponse aux critiques de l’IGAS ?
Issa Issa Abdou : « Ce rapport n’est pas un couperet. Lors de leur mission de deux fois trois semaines, nous avons échangé avec les inspecteurs, et commencé à remédier aux défauts. Nous avons notamment tenu compte des problèmes de fonctionnement dans le nouvel organigramme en scindant la DSDS en deux : le Pôle Enfance et familles, et le Pôle Solidarité. Nous attendions pour l’adopter d’avoir reçu le rapport de l’IGAS.
Ensuite, à la lourdeur des familles d’accueil, les inspecteurs préfèrent le tiers digne de confiance. Une solution qui sera adoptée après le vote du Schéma départemental de l’enfance qui devrait tomber en juin. Enfin, le 7 mars, nous allons habiliter les 4 structures en charge de l’enfance. »
JDM : Doit-on avoir des raisons d’espérer que l’action sociale devienne le chantier prioritaire du département ?
Issa Issa Abdou : « Oui, car nous nous attelons à un chantier inédit. Aller bousculer un organigramme jusqu’à ses DGA ! Mais, nous ne pourrons pas faire du neuf avec du vieux, il va falloir professionnaliser notre gestion de ressources humaines. D’autre part, avec l’adoption de nos trois schémas* en peu de temps, nous serons en ordre de marche pour 2017. Il ne nous restera que deux ans pour les décliner.
Je vois dans ce rapport de l’IGAS une chance de sortir d’une situation dont on a hérité, et de construire une organisation crédible qui collera au document cadre Mayotte 2025 et qui rassurera le gouvernement. »
Une nouvelle organisation, une volonté que la maison n’avait quasiment jamais connu, et dont la pérennité dépendra des noms accolés aux directions générales dans le nouvel organigramme.
Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Schéma départemental de l’organisation médico-sociale, schéma départemental de l’autonomie, et Schéma départemental de l’enfance
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