Tout remonte à novembre 2014, lorsque dans l’entourage de Boinali Saïd Toumbou, on s’inquiète de la disparition de sommes importantes sur ses comptes en banque, surtout sur le compte d’Indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), que l’Assemblée nationale abonde à hauteur de 5.700 euros par mois.
Après recherche, il s’avère que son attachée parlementaire Fatoumata Koïta aurait dérobé ses cartes bancaires et son chéquier, qu’elle aurait utilisé pour ses frais personnels “entre 17.000 et 20.000 euros”, indique le Figaro, pendant un an, sans que le député soupçonne quoi que ce soit. Difficile de savoir s’il ne s’agit que des achats par internet, mais le site Médiapart lui-même évoque des sorties ciné, pour lesquelles elle devait forcément alors posséder le code secret de la carte.
Mieux, la jeune conseillère municipale PS puis départementale du fief de Manuel Valls, présentée par Médiapart comme une proche du Premier ministre, n’est pas licenciée de son poste d’attachée parlementaire. «Je ne pouvais pas la licencier sans être certain que c’était elle», nous explique Boinali Saïd Toumbou, joint au téléphone. Un an s’est écoulé pourtant depuis la découverte des faits.
Un instituteur peu armé comme député
Le député est plutôt sur la défensive d’ailleurs lorsque nous lui demandons comment il est possible de subtiliser deux cartes bancaires et un chéquier, et les utiliser pendant un an sans que l’intéressé ne s’en aperçoive: «Je sais que certains médias insinuent que ce serait ma copine! Je n’ai découvert ces ponctions que 3 ou 4 mois après, j’ai d’ailleurs déposé plainte.» Mais il ne se souvient plus à quelle date, «il y a presque un an, c’est d’ailleurs entre les mains du parquet d’Evry maintenant, je ne veux rien évoquer tant que l’enquête est en cours», conclut-il.
Boinali Saïd et Fatoumata Koïta avaient trouvé un terrain d’entente, la jeune femme aurait commencé à rembourser l’argent public qu’elle avait dérobé. «Mais j’ai décidé finalement de déposer plainte», précise le député, sans qu’il s’épanche sur la cause exacte de ce revirement.
Si Médiapart évoque un «instituteur de Mayotte (qui se dit) ‘peu armé pour comprendre les rouages’ du Palais-Bourbon», nous parlons tout de même du syndicaliste-leader des 44 jours de manifestations violentes contre la vie chère en 2011…
Argent public pour tout public
Boinali Saïd a par ailleurs ses entrées chez Médiapart pour avoir mené le projet de SCIC Tobé, une plateforme de développement des projets locaux dans le département mahorais, en compagnie de Philippe Divay, contributeur au site d’information d’Edwy Plenel. Depuis, ces régies de territoire ont bénéficié de sa réserve parlementaire.
L’article de Médiapart revient sur les garde-fous que l’Assemblée nationale doit mettre en place pour éviter l’utilisation de l’argent public à des fins autres que professionnelles, et par la même occasion, ce genre de détournement, «Jérôme Cahuzac a tout bonnement fait ses emplettes chez un vendeur de piscines», dévoile l’article.
Une liste des dépenses autorisées a été publiée, sans aucun contrôle, et les députés doivent fournir une attestation sur l’honneur de l’utilisation de leur IRFM «conformément aux règles établies», mais certains ne l’auraient toujours pas signé.
Des mesures qui auraient certainement permis de lister les dépenses hors cadre faites pendant un an depuis le compte de Boinali Saïd Toumbou, sans que personne ne s’en émeuve.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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