Une fois encore, nous pouvons tous devenir des observateurs des phénomènes en cours dans le lagon. Le Parc naturel marin (PNM) nous invite à nous impliquer pour suivre la période de blanchiment des coraux de Mayotte. «Quelques photos, la localisation et une évaluation qualitative du blanchissement sont suffisants», précise le parc qui ouvre sa plateforme participative Tsiono* à ce nouveau type d’observations.
Le PNM diffuse également des informations sur le sujet pour bien comprendre ce qui se joue actuellement dans nos eaux comme dans beaucoup d’autres endroits de la planète.
Ce n’est pas la 1ère fois que Mayotte subi un tel épisode. En 1998 puis en 2010 déjà, deux vagues de blanchiment avaient affecté les récifs mahorais avec «des conséquences dramatiques pour l’état de santé de nos coraux, qui reprenaient malgré tout petit à petit leur vigueur».
«Les récifs coralliens sont des communautés animales vivant en symbiose avec des algues microscopiques, les zooxanthelles. Ces dernières sont responsables de la couleur des coraux et leur assurent la plus grande partie de leur alimentation grâce à la photosynthèse», explique le Parc. En cas de changement de l’environnement (modification du taux de sel de l’eau de mer, maladies, radiations UV trop fortes ou augmentation des températures de surface de la mer), ces zooxanthelles disparaissent partiellement ou complètement entrainant ce blanchiment.
Un phénomène destructeur
Il peut-être temporaire (quelques jours) ou définitif, selon la durée et l’intensité du stress d’origine.
Dans ce dernier cas, cela conduit à la mort de la colonie corallienne, avec des conséquences négatives multiples, tant sur le plan écologique (perte de diversité biologique, dysfonctionnement des écosystèmes,…) que socio-économique (secteurs de la pêche, du tourisme…).
La capacité des récifs à se régénérer par la suite (on parle de « résilience ») est très variable en fonction des espèces comme on a pu le constater à Mayotte après les épisodes de blanchissement de 1998 et 2010.
Actuellement, plusieurs événements expliquent l’épisode. Outre le réchauffement climatique, le phénomène El-Niño provoque une hausse anormale des températures de l’eau. Mais des facteurs locaux jouent également, comme par exemple l’utilisation des détergents par les lavandières dans les rivières.
Risque pour le mois d’avril
Cette année, l’inquiétude est mondiale et particulièrement aigüe. Le Parc souligne que différents réseaux de veille environnementale ont lancé une alerte y compris chez nous. A l’heure actuelle, pour l’océan Indien et Mayotte en particulier, tout indique «un risque de phénomène massif de blanchissement début avril 2016».
Le Parc marin explique qu’il a relancé en 2015 la mise en place d’un réseau de 11 sondes de températures réparties sur l’ensemble du lagon à proximité des principaux récifs, pour «suivre de manière régulière l’évolution des températures de surface à Mayotte et corréler les informations de température en temps réel avec les phénomènes de blanchissement observés.»
Et les températures moyennes relevées ces derniers temps dépassent celles référencées en 2010. «Les données tendent également à montrer des niveaux de températures différents entre la côte est et la côte ouest, susceptibles de générer des réactions variables dans les milieux naturels», détaille le Parc.
Observer pour comprendre
Impossible de savoir ce qui va se passer mais les deux épisodes précédents donnent un éclairage.
«Suite au phénomène El Niño, d’avril à août 1998, les colonies coralliennes ont subi des dégradations massives allant jusqu’à 90 % de mortalité corallienne localement. Cet épisode de blanchissement a été le plus important jamais répertorié.» Les dégâts ont été moins importants en 2010.
Actuellement, «des blanchissements ponctuels sont rapportés mais on n’observe pas pour le moment de phénomène global et généralisé à l’échelle de l’île», précise le PNM. Mais il convient de les suivre attentivement car les récifs coralliens sont essentiels à la vie naturelle mais aussi aux activités économiques du lagon.
Programme à grande échelle
S’il est impossible d’endiguer le phénomène, un programme global de suivi à l’échelle des territoires français de l’océan Indien a été monté. Il s’agit d’un partenariat entre les parcs naturels marins de Mayotte et des Glorieuses, l’Institut de Recherche et de Développement (IRD), l’Université de la Réunion, la collectivité des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF), l’IFRECOR, la DEAL de la Réunion, le programme SEAS-OI, la Réserve naturelle marine de la Réunion, la Réserve naturelle nationale de l’îlot Mbouzi, le bureau d’études MAREX, l’association Cordio et l’association Reef Check France.
Il sera ainsi possible de comparer les évolutions entre les îles, les sites et les espèces, aussi bien en observation directe qu’avec des images satellites. D’où l’importance d’accumuler des observations et de faire de chacun de nous, les yeux qui permettront aux spécialistes d’apporter de la connaissance et peut-être une réponse.
RR
www.jdm2021.alter6.com
*Pour participer, contact : tsiono@aires-marines.fr.
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