Des personnels du commissariat de Mamoudzou peuvent-ils mettre en danger la vie de simples citoyens en divulguant des informations à certains organes de presse? La question sera peut-être posée au tribunal correctionnel de Mayotte, si le procureur donne suite à une plainte déposée il y a quelques jours en ce sens. L’affaire concerne une figure relativement connue sur la scène publique à Mayotte qui a eu la surprise de voir son nom quasiment divulgué dans un quotidien imprimé alors qu’il s’était rendu au commissariat dans des conditions particulières.
Vous vous souvenez sûrement de l’affaire de la kalachnikov, cette arme de guerre découverte lors d’une perquisition à Mamoudzou. En réalité, les policiers ne sont pas tombés dessus par hasard. Elle avait été proposée à un homme comme un objet de contrebande à acheter sous le manteau. Mais le client potentiel, non seulement ne souhaitait pas l’acquérir, mais il estimait que la vente de cette arme pouvait faire courir un danger à de nombreuses personnes.
Le secret devient une information publique
Il s’est donc rendu au commissariat, souhaitant donner des informations pour faire sortir cette kalachnikov du circuit informel. Les informations sont données en échange du secret: jamais personne ne devait connaître son identité.
Et pourtant. L’arme saisie, l’affaire est divulguée dans la presse… avec parfois de nombreux détails, dont l’identité de l’homme en question. L’article d’un journal laissait en effet clairement sous-entendre sa profession et son nom. L’anonymat s’est transformé en information publique. Avec le conseil de son avocat, Me Nadjim Ahamada, il a donc déposé plainte pour «mise en danger de la vie d’autrui» pour réclamer des explications.
Une plainte dans le journal
Une autre avocate, Me Florence Journiac, n’a pas déposé plainte mais a décidé d’écrire au procureur dans une affaire la concernant très directement. Il y a une dizaine de jours, la jeune femme est agressée en conduisant son scooter au rond-point du baobab. En début de soirée, des jeunes arrêtent le deux-roues, le font tomber et s’enfuient avec le sac de sa conductrice alors qu’il contenait, entre autres, sa robe d’avocate, qu’elle parviendra d’ailleurs à retrouver rapidement.
L’affaire est donc strictement personnelle et la conduit au commissariat pour porter plainte. Là encore, à sa grande surprise, elle retrouve son nom dans les pages d’un quotidien imprimé qui raconte son histoire très approximativement.
Le respect de la vie privée
«Je n’ai même pas été contactée et je n’aurais pas accepté qu’on en parle. Cette plainte ne concernait en rien mon activité professionnelle, je ne souhaitais pas la rendre publique», indique-t-elle au JDM. «J’étais très en colère car j’ai reçu des coups de fils de personnes inquiètes, comme on peut l’être lorsqu’on entend parler d’agression, alors qu’il n’y avait pas lieu de l’être. Ça interroge vraiment sur le fait d’aller porter plainte lorsqu’on a une activité publique», affirme l’avocate.
De tels types de fuites sont en effet courants au commissariat de Mamoudzou et ne concernent donc pas uniquement des affaires retentissantes.
Dans les deux exemples que nous venons de citer, il semble que divulguer directement ou indirectement le nom des personnes concernées ne rajoutait aucune information essentielle aux faits qui étaient relatés. Mais au-delà de cette divulgation dans la presse, c’est bien la possibilité pour tous les citoyens d’aller déposer plainte au commissariat en confiance et dans le respect de sa vie privée qui est posée.
RR
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