La fondation WWF a publié son rapport annuel dans lequel l’ensemble des 229 sites naturels et mixtes inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO sont passés au crible. Il apparaît que la moitié d’entre eux, 114 exactement, sont «menacés par des activités industrielles néfastes».
Concessions pétrolières, minières ou gazières, surpêche, exploitation forestière illégale, surexploitation des ressources en eau, infrastructures de transport ou de tourisme… Les menaces sont nombreuses et variés. Et pourtant. Reconnus par l’UNESCO pour «leur valeur universelle exceptionnelle, c’est-à-dire leur beauté naturelle, leur biodiversité, leurs caractéristiques géologiques ou écologiques, ces sites incarnent la notion d’aire protégée par excellence. Il n’existe pas de plus haut niveau de protection de l’environnement», rappelle le WWF.
Les trafics de bois précieux malgaches
Cinq sites sont inscrits au patrimoine mondial sur les îles de l’océan Indien. Trois d’entre eux ne représentent pas de problèmes particuliers. Il s’agit des 90 Pitons, cirques et remparts de La Réunion, de l’atoll d’Aldabra et de la réserve naturelle de la vallée de Mai, tous deux aux Seychelles. Mais deux autres sites, situés à Madagascar, inquiètent très fortement le WWF
Les forêts humides de l’Atsinanana et la réserve naturelle intégrale du Tsingy de Bemaraha sont «menacées par des activités industrielles néfastes». Le premier site est menacé par l’exploitation forestière intensive. Composées de six parcs nationaux, les forêts humides de l’Atsinanana revêtent une importance cruciale pour la sauvegarde de la formidable biodiversité de la Grande Île. Depuis 2009, le bois de rose et l’ébène sont exploités de manière illégale au sein de deux des parcs appartenant au site du Patrimoine mondial.
Il ne se passe en effet pas une semaine sans que ces trafics de bois de rose ne fassent la Une de l’actualité malgache. Il y a deux jours encore, nos confrères de RFI relataient le sort de 120 tonnes de bois précieux interceptées en 2011 par les autorités mauriciennes. Il a fallu cinq ans de négociations pour les rapatrier à Madagascar. «Les six containers de bois de rose et de palissandre coupés illégalement étaient à destination de la Chine», un pays et un continent, l’Asie, qui continuent de faire vivre tant de trafics.
Si le problème est environnemental, il est aussi social: cette exploitation illégale met en péril les moyens de subsistance des communautés locales. Le site a été inscrit sur la «Liste du patrimoine mondial en péril».
Hydrocarbures contre nature
Concernant la réserve naturelle du Tsingy de Bemaraha, il fait actuellement l’objet d’une exploitation pétrolière et gazière par Total et la Madagascar Oil, «incompatible avec les objectifs fixés par l’agenda 21», note le WWF. «Non seulement les sables bitumineux ont un coût social et environnemental inacceptable, mais leur viabilité financière même est loin d’être assurée à long terme», indique l’association Les Amis de la Terre.
En effet, cette expansion économique, en plus de mettre en péril le site, ne semble même pas rentable. L’exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels implique des coûts d’investissement très importants, et leur rentabilité repose sur le maintien des prix du pétrole à un niveau élevé (entre 70-100 dollars contre environ de 35 dollars actuellement) pour que la production rapporte.
Un secteur privé pointé du doigt
Enfin, nos voisins du continent pourtant économiquement plus avancés ne semblent pas plus exemplaires. L’Afrique du Sud apparaît ainsi à quatre reprises dans la liste établie par le WWF. Les aires protégées de la Région florale du Cap, le parc de la zone humide d’Isimangaliso, et le dôme de Vredefort auxquels se rajoute le Parc Maloti-Drakensberg au Lesotho, font également l’objet de concessions minières et pétrolières.
Dans son rapport, le WWF «appelle le secteur privé à prendre ses responsabilités: les entreprises doivent s’engager à ne plus exercer d’activité susceptible de dégrader les sites du Patrimoine mondial et les investisseurs à cesser de financer tout projet ou toute entreprise impliquant une activité de ce type.»
Au moment où Mayotte travaille à inscrire une partie du lagon au patrimoine mondial, la publication de ce rapport montre bien que, certes, des efforts importants doivent être consentis pour intégrer les sites de l’UNESCO, mais que la préservation réelle reste un combat permanent face aux prédations humaines en tous genres.
RR
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