La fête était bien entendu à moitié gâchée par les évènements sociaux, grève et guérilla, que traverse actuellement Mayotte. Mais qui n’est pas totalement détaché de l’objectif de la Conférence des villes capitales d’Outre-mer : examiner les conditions de financement de ces collectivités et proposer des pistes de solutions. Les 5 autres villes capitales ont exprimé leur solidarité avec Mamoudzou, et plus largement, Mayotte.
Cette conférence a été créée le 19 janvier 2006 à Cayenne, en présence des 5 maires des capitales des « vieux » DOM, Basse-Terre, Cayenne, Fort-de-France, Pointe-à-Pitre et Saint-Denis, qu’a rejoint la ville de Mamoudzou 7 années plus tard. « Elle est née d’un constat que les villes capitales ont des charges de centralité issues de leur histoire, qui ne sont pas prises en compte par les directives nationales », explique Jacques Bangou, maire de Pointe à Pitre (Guadeloupe).
Elle s’est donc réunie 6 fois depuis sa création, donc plus ou moins irrégulièrement tous les deux ans environ. Et pas seulement pour pondre des rapports, puisque les précédentes Déclarations ont pesé sur les décisions concernant les dotations globales de fonctionnement ou sur l’allocation des crédits européens Feder et Fse.
La fronde des villes capitales
Cette année, l’enjeu était de taille puisqu’il s’agissait de trouver des pistes pour contrer la baisse des dotations, et la participation à la contribution au redressement des comptes de l’Etat, qui amputent leurs finances de 64 millions d’euros. On a vu que Mayotte n’est théoriquement pas concerné par cette solidarité au renflouement national, mais en réalité, avec une dotation globale de fonctionnement du quart de ce qui devrait lui revenir, elle fait plus qu’y contribuer.
C’est bien cette philosophie du non-dit que dénonce la Conférence pour cette 6ème session : « Contrairement aux dispositions de la loi de Finances de 2015, la hausse de la péréquation nationale n’a pas neutralisé l’effort de contribution des départements et régions d’outre-mer (DROM) au redressement des finances publiques. »
Face à cette hypocrisie, il y a eu fronde des villes capitales, qui a incité le gouvernement à voter un amendement à la loi de finances pour 2016, « visant à extraire l’octroi de mer de la base de calcul de la contribution au redressement des finances publiques », souligne le bilan de la présidence de Mamoudzou, « il en résulte une économie de 13 millions d’euros pour l’ensemble des communes des DROM et de 2,2 millions d’euros pour les 5 villes capitale assujetties, donc hormis Mamoudzou. »
Des réactions individuelles qui ne font qu’une
Il s’agit de contrer ainsi chaque remise en question des avantages fiscaux alloués au DROM, comme la défiscalisation au profit d’un crédit d’impôt, « mais en réalité pour lequel les sociétés immobilières doivent faire l’avance pour se faire rembourser ultérieurement. »
Nous avons interrogé ces représentants ultramarins sur le rapport Lurel, préalable au projet de loi Bareigts sur l’égalité réelle. « Des réactions individuelles issues de nos tendances politiques différentes », prévient Jacques Bangou, mais qui ne l’est pas tant que ça en fait. Si lui avance « une impossible disparition des disparités entre les territoires qui sont une marque de nos identités », pour Yvon Pacquit, le maire de Fort-de-France (Martinique), l’égalité n’est pas d’apporter une même solution à des problématiques différentes, « je préfère parler d’équité ou d’égalité des chances. »
Marie-Luce Penchard a décliné
Pour Fred Edourad, 5ème adjoint au maire de Basse-Terre, les trois égalité, de droit, de chance et réelle, sont un leurre : « l’égalité des chances voudraient dire que tous les participants d’une course prennent le même départ et arrivent en même temps, alors que certains, on l’a vu pour le Bac, n’arriveront jamais à le décrocher. L’égalité réelle est une illusion. »
La maire de Cayenne Marie-Laure Phinera-Horth ne dit pas autre chose, « je n’y crois pas », alors que pour Bacar Ali Boto, 1er adjoint au maire de Mamoudzou, « il faut voir dans l’égalité réelle un objectif à atteindre, un moyen de souligner les manquements de l’Etat. »
Outre l’absence totale de représentant de Saint-Denis, (la réunion), les journalistes étaient un peu frustrés malgré tout de ne pouvoir accueillir la maire de Basse-Terre, Marie-Luce Penchard (prévue au programme, mais qui avait délégué), histoire de l’interroger dans une ambiance sociale qui lui aurait rappelé des souvenirs vieux de 5 ans…
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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