A Mayotte, de nombreuses personnes n’accèdent pas à leurs droits alors qu’elles remplissent parfois les conditions requises. Méconnaissance, incompréhension… Il y a un peu de tout cela explique Jean Véron, le directeur de la Caisse de Sécurité sociale de Mayotte : « Nous envoyons des notifications souvent incompréhensibles par les usagers et en français. C’est difficile à évaluer, mais en recoupant nos données, nous estimons à 30.000 personnes environ qui n’accèdent pas à leurs droits. »
Une ressource vitale pourtant pour des personnes en situation précaire, non recensées par la CSSM, ce qui fausse les statistiques et les besoins réels de la population. Pour y remédier, les dirigeants de la Caisse ont choisi de jouer la proximité en sollicitant les cadis, plutôt que d’avoir recours à des emplois aidés : « C’est un réseau existant, que la population consulte régulièrement. »
Rémunérés par le conseil départemental, ils agiront dans le cadre de leur tâche de médiation en droits sociaux. Implantés sur chaque commune de Mayotte, ils pourront, comme ils le faisaient avant la départementalisation, recevoir le public et les conseiller.
Formation dans les deux langues
Pour cela, encore faut-il qu’ils aient connaissance des prestations proposées par la Sécurité sociale : « C’est pourquoi deux cycles de formation se dérouleront en mai, pour expliquer notre fonctionnement et les questions les plus courantes des usagers », explique le directeur de la CSSM. Certains cadis maitrisant mal le français, les formations se feront aussi en shimaoré.
Les informations seront remontées tous les trimestres à la CSSM, et un bilan sera fait un an après la signature de la convention.
Salim Nahouda, président de la CSSM, mais aussi secrétaire départemental de la CGT, explique la démarche : « Alors que nous venons de fêter les 40 ans de notre institution à Mayotte, au moment où la métropole célébrait ses 70 ans, nous voulons que tous les citoyens de la nation soient traités de la même manière. » Les cadis, des juges « impliqués dans la paix sociale », sont donc tout désignés selon lui, et « feront aussi des retours sur les difficultés des usagers », complète Jean Véron.
Une valeur d’exemple sur le plan national
Après que les élus aient voté pour un cadre juridique officiel pour les cadis, qui n’a pas encore passé le cap du Parlement, les cadis dessinent donc peu à peu leur rôle de médiation : « Ce n’est pas la première fois que nous l’exerçons officiellement, puisque nous avons été sollicités par l’Agence régionale de Santé, le CHM et le réseau RéDiabYlang », nous explique l’un d’entre eux.
Cette médiatisation aujourd’hui aura une vertu, « celle de prouver au niveau national que nous avons su trouver une autre méthode de travail, adaptée au territoire, qui n’existe nulle part ailleurs. Et ainsi de donner des idées à d’autres départements sur des ressources propres à leurs cultures », soulignait Salim Nahouda.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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