Deux semaines de grèves paralysantes pour l’ensemble de l’île, et l’axe Longoni-Koungou-Majicavo n’aura jamais été aussi épargné. A peine une petite tentative de barrage à Majicavo un matin ou à Longoni, vite dégagé. Nous avons cherché à savoir ce qui c’était passé.
Parce que la commune n’a pas d’un coup basculé vers la sérénité. Tous les matins, la gendarmerie avait droit à nos appels pour un point barrage, et il fallut bien se rendre à l’évidence, si Dzoumogné était bloqué, la circulation était ensuite très fluide jusqu’à Doujani.
« Nous avons travaillé avec les associations de football de la commune », nous apprend Mounirou Ahmed Boinahery, Responsable du pôle administratif et chargé des moyens et des ressources à Koungou. Avec un entrepreneur de la commune, ils ont contacté le président du FC Koropa, Hadjou, pour rencontrer les jeunes des clubs de Koungou, Majicavo Koropa, Kangani et Longoni.
Les grévistes démarchaient les jeunes
Le but : « leur expliquer qu’on ne pouvait pas recommencer comme en 2011, avec des barrages sauvages, que les pots cassés allaient un jour ou l’autre leur retomber dessus. Et nous avons été surpris de leur réaction. Si en tant qu’exécuteurs de petits boulots, ils se sentent momentanément exclus ce cette activité économique prés du poumon de l’île qu’est le port, ils espèrent en bénéficier un jour. Ils ne voulaient pas non plus être pointés du doigt comme le frein au développement de Mayotte. »
Un discours tenu dès le début des grèves. « Et lorsque les syndicalistes sont venus pour bloquer Majicavo, ce sont les jeunes eux-mêmes qui sont intervenus pour les déloger », rapporte le cadre de la mairie de Koungou. On se pincerait presque. Les plus difficiles à convaincre sont bien sûr ceux qui sont en marge de toute institution, que ce soit l’école ou les dispositifs d’insertion.
Mais plus grave, les grévistes ont tenté de démarcher les jeunes, « ce fut le cas à Bandrajou, un quartier de Koungou, où l’éducateur du Programme de réussite éducative nous a fait remonter l’information aussitôt. » Leur action ne s’est pas limitée là : « Nous avons patrouillé la nuit, propice à l’érection de barrages avec les coupes d’arbres. »
Ces ZSPD, Zones de service public démissionnaire…
Sur la commune, certains ont été actifs, comme la préfiguratrice du quartier de Dubaï, « quartier prioritaire de la politique de la ville », ainsi que les trois adultes relais, « ils nous remontent tout, on essaie d’être réactifs… », ou le chargé de mission sécurité, prévention et tranquillité publique de la mairie, qui ne peut toujours pas s’appuyer sur la police municipale, dont le maire nous avait dit tout déficit de compétence.
Le résultat fut donc à la hauteur, « mais on peut faire mieux avec la volonté de chacun », poursuit Mounirou Ahmed, qui pense que l’on peut généraliser cette action à l’ensemble du territoire : « les jeunes ne doivent plus se sentir livrés à eux-mêmes, et il ne doit plus y avoir de zones où le service public est démissionnaire », expression qu’il préfère à « zones de non droit ».
« Aucun conseiller départemental en appui »
En dehors du maire Bamcolo qui les a appuyés en demandant la levée de barrages, ils n’ont pas vu d’élus, « aucun conseiller départemental. » A souligner l’action de mamans à Trévani, qui avaient dégagé un matin la route de branchages déposés par des jeunes.
Le cas de Koungou n’est pas isolé puisqu’à Kawéni, en dehors du drame qui vient de toucher une famille, les jeunes se sont apaisés grâce aux actions de l’association AJKE, menée par Julien Gauquelin et Rasta. A Koungou, la mairie s’est impliquée aux côtés d’un chef d’entreprise citoyen, moteur de l’opération.
Leur volonté n’est évidemment pas de casser une grève, mais d’en empêcher le mode d’action qui ouvre la porte aux dérives, comme nous l’explique l’entrepreneur qui souhaite rester anonyme : « Nous avons invité les grévistes à aller manifester pour leurs droits devant la préfecture, mais pas en bloquant nos activités. En 2011, ils avaient excités les jeunes qui sont devenus incontrôlables, et c’est nous qui en avons payé les pots cassés, pas eux. »
Koungou a gardé son calme, mais il faut rapidement relayer leur action auprès des jeunes qui, quelque soit leur statut, sont prêts à se rendre utiles.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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