Leur courrier était éloquent : « une opération d’expulsion de personnes d’origine étrangère est prévue », l’une aurait insulté le village, et deux autres auraient volé des oranges dans un champ pour les revendre. Mais cette fois, le propriétaire du terrain où habite le premier avait bien l’intention de défendre son locataire, « il nous a affirmé que si nous tentons de déloger son protégé, ‘le sang coulera ce mercredi’ », informe l’association Malezi Mema.
Cela n’a heureusement pas été le cas. Avant de diriger les pas de la dizaine puis vingtaine de villageois qui l’entourent vers la case en question, Raba, le représentant de l’association Malezi Mema (« Bonne éducation ») s’explique : « Nous avons créé cette association pour lutter contre la délinquance dans le village de M’tsangamboua. Nous n’en voulons pas aux étrangers, mais après les cambriolages d’octobre 2015, nous avons expulsés des personnes en situation irrégulière qui avaient commis des vols, des cambriolages ou qui étaient passeurs de kwassas. Le calme était revenu. »
Une affaire de famille
Fort de leur succès, ils se sont promis de poursuivre cette action ce mercredi, et ont prévenu mairie, forces de l’ordre et médias. Ils rendent d’abord visite à Y., un père de famille. S’ils ne rentrent pas dans sa cour, ils lui font comprendre que ses insultes à l’endroit du village qui les a accueilli ne sont pas les bienvenus. Il les aurait proféré à la suite d’une altercation avec un autre automobiliste aux phares trop puissants, « on lui reproche aussi d’exercer la fonction de taxi clandestin. »
La case est sur les hauteurs, c’est là qu’arrive le propriétaire du terrain, un bacoco qui n’est autre qu’un membre très proche de la famille de Raba, « mon frère germain », l’appelle-t-il. C’est d’ailleurs ce lien qui finira par apaiser des discussions parfois tendues menées pendant plus d’une heure.
Sur ses hectares de terre, se multiplient les implantations de cases dont la plupart des habitants serait en situation irrégulière. Mais ce qui n’est plus le cas de Y. qui possède un titre de séjour, rendant l’action des villageois totalement illégale. La gendarmerie s’étouffera donc à moitié en découvrant la situation plus tard. Mais pour les villageois, ce n’est pas une affaire de papier, « nous ne voulons pas de délinquants. »
Présents depuis plus de 5 ans
C’est en entonnant des chants religieux que les villageois poursuivent leur démarche vers l’habitation des deux voleurs d’oranges, « ils en ont rempli deux sacs de riz. Une récolte sur laquelle comptait la propriétaire du terrain pour vivre », rapporte Raba, « on ne comprend pas, cela fait plus de 5 ans qu’ils sont dans le village. Ça ne nous amuse pas de faire ça ! ».
Mais arrivés prés de la pauvre case en tôle, ils ne purent que constater que ses occupants s’étaient enfuis. C’est le voisin et père de l’un d’eux, considéré comme le référent du quartier, qui sera l’interlocuteur : « Je leur dirai de partir », s’engage-t-il, « laissez leur le temps de s’organiser, mais il le faut, sinon, c’est vous qui partirez », répondent les villageois.
« Nous ne voulons pas que le non droit s’installe et que nous subissions des violences comme ce fut le cas à Doujani », expliquent-ils.
A plusieurs reprises dans les discussions, les mots « procureur » et « gendarmerie » ont été prononcés, sans que le recours à la justice n’ait été planifié, notamment contre les voleurs d’oranges.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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