On ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque habitant, et heureusement. Il faut donc définir une norme sécuritaire. Le chiffre communément admis de 1 pour 1.000 habitants est en réalité un bas de tableau puisque le Sénat publiait en 2002 une étude faisant état de trois départements bénéficiant de plus de quatre policiers ou gendarmes pour 1 000 habitants (Haute-Corse, Corse du Sud et Lozère), « par contre, une vingtaine de départements ont un ratio inférieur à 2. »
Et dès qu’on parle du nombre d’habitants à Mayotte, les compteurs s’affolent. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous baser sur les chiffres INSEE, puisque son représentant à Mayotte avait validé ses chiffres, tous sacs d’importation de riz confondus.
De 212.600 habitants en 2012, nous pouvons donc envisager que nous atteignons les 235.000 en 2016 en reprenant le taux de croissance annuel de 2,7%. En retirant les habitants de la zone police qu’est la commune de Mamoudzou soit, avec la même péréquation, 61.000 en 2016, nous pouvons nous dire que ce sont 174.000 habitants qui doivent être couverts par la gendarmerie.
Les gendarmes sur 90% du territoire
Ce qui implique la présence de 174 gendarmes dans le cas d’un ratio de 1 pour 1.000 et de 348 si c’est 2 pour 1.000.
On pourrait presque penser que la gendarmerie fait du sur mesure puisqu’ils sont exactement 174 militaires et civils à Mayotte, « en comptant l’état-major, la plate-forme Chorus à la préfecture, les unités spécialisées de transports aériens, de brigade nautique, de section de recherches, de section aérienne, du renseignement territorial, et pour finir, du peloton de surveillance et d’intervention et les cinq brigades territoriales de Pamandzi, Sada, M’tsamboro, M’zouazia et Sada », détaille le colonel Jean Gouvart, Commandant de la gendarmerie de Mayotte. Il faut rajouter 107 gendarmes mobiles, montant l’effectif à 281.
Il rappelle que la gendarmerie est compétente sur 16 communes (sur 17), « soit près de 90% du territoire pour 73% de la population selon le recensement INSEE 2012. » Et surtout que 7 élèves sur 10 du primaire et du secondaire y sont scolarisés.
Des moyens dépendants des dépôts de plainte
C’est peut-être l’élément le plus important pour notre département où plus de la moitié de la population a plus de 18 ans. Tranche d’âge moyen de la plupart des délinquants. Ce qui nécessite un réajustement du ratio. Et justifie les demandes répétées des habitants en terme de protection, comme le confirme le colonel Gouvart : « Nous calculons aussi les besoins en fonction du nombre de crimes et délits par nombre d’habitants. Or, ce ratio est fortement en hausse depuis 4 ou 5 ans. J’incite donc les habitants à déposer plainte systématiquement, sinon cela fausse les évaluations dans l’obtention de moyens supplémentaires. »
Du côté de la police nationale, le commissaire Philippe Miziniak annonce 217 fonctionnaires au total. Ce qui rapporté au nombre d’habitants de la commune de Mamoudzou est un ratio favorable. Mais encore faut-il prendre en compte les spécificités locales, comme l’inaccessibilité de certains quartiers, et toujours la proportion élevée de jeunes.
Il se base lui aussi sur le nombre de faits constatés : « Bien que nous ne couvrions que 11% du territoire, cela représente 30% de la population, et la moitié du nombre de crimes et délits de l’île. La pression de la délinquance est traditionnellement plus forte en zone urbaine, donc tous renforts seront les bienvenus ! » Le commissaire attend beaucoup des résultats du rapport des Inspections générales de la police et de la gendarmerie nationales, et peut déjà compter sur le renfort des gendarmes qui viennent prêter main forte.
Une brigade de gendarmerie aux Trocas
Et pour cause, la brigade de gendarmerie est en pleine zone police, une autre spécificité locale ! C’est que la gendarmerie doit faire le grand écart de part et d’autre du chef lieu, puisque les deux communes proches, Dembéni au sud, et Koungou au nord, sont, elles aussi, très peuplées. Tellement que Koungou avec ses prés de 30.000 habitants (chiffres réactualisés 2016) dépasse de 10.000 le quota pour être en zone police.
C’est pourtant une brigade de gendarmerie qui doit toujours s’installer à Koungou, avec un projet qui commence à prendre forme. Lors d’une réunion cette semaine, plusieurs propositions ont été examinées, et c’est celle d’Eden Austral, qui a été retenue, avec une implantation sur le lieu-dit « Les Trocas » à Trévani, en bordure de route. Les plus optimistes voient un démarrage des travaux dès cette fin d’année.
En attendant la présentation d’un Plan sécurité sur lequel planchent les ministres Cazeneuve et Pau-Langevin, qui on l’espère intégrera la prévention, l’effectif de gendarmerie a été revu à la hausse, puisque 65 mobiles d’Aunay sur Odon sont présents jusqu’à mi-mai, et que cet été, le commandement de la gendarmerie de Mayotte va recevoir le renfort de 30 militaires avec la création d’une unité d’intervention, le GPIOM (antenne régionale du GIGN) et de 12 gendarmes départementaux.
Mais on sait déjà que ce sera un coup d’épée dans l’eau s’ils ne sont pas suivis d’un accroissement des lieux de placement des personnes interpellées, centre de rétention ou familles d’accueil. Et en amont, d’occupations pour cette jeunesse désœuvrée, assorties d’un comportement exemplaire des adultes qui ne doivent pas fermer ou bloquer des écoles ou des routes pour un oui ou pour un non, et de l’arrêt des bagarres entre villages qui exportent la violence dans les établissements.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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