«Les industriels thoniers présents dans la région épuisent les stocks» de thons. La phrase n’est pas signée d’un militant écologiste agité mais le constat d’un sénateur de la République. Thani Mohamed Soilihi a envoyé ce vendredi une question écrite au gouvernement sur «l’impact environnemental et les conséquences sur les petits pêcheurs mahorais de la surpêche des thons tropicaux au large de Mayotte».
Car les chiffres présentés par le sénateur font état d’une augmentation des pêches de plus de 60% en 5 ans avec 266.800 tonnes de thons albacores pêchées en 2009 contre 430.327 tonnes en 2014… frappant des stocks pourtant déjà «surexploités».
Mais il n’y pas que les quantités qui sont en cause, les méthodes aussi. Pêche à la senne coulissante ou dispositifs de concentrations de poissons (DCP) entraînent des captures aveugles, de thons adultes mais aussi de juvéniles, sans parler des requins et des tortues.
Le sénateur souligne que «les petits pêcheurs mahorais aux techniques artisanales» sont eux aussi victimes de cette pêche industrielle «ravageuse», alors qu’ils doivent «se rendre plus loin en mer au péril de leur vie pour pouvoir survivre».
Le sénateur relaie ainsi la demande des professionnels mahorais de repousser les limites de pêche de 24 à 100 miles nautiques et il attend d’autres actions de la part du gouvernement.
Bataille navale
La question intervient alors que Greenpeance engage une nouvelle bataille, une bataille navale pourrait-on dire. Engagé dans une longue guerre contre la surpêche, l’ONG a envoyé son bateau l’Esperanza pour surveiller les activités du groupe Petit Navire, l’un des principaux fournisseurs de thon en boîte de la planète, propriété du géant thaïlandais Thai Union.
Selon Greenpeace, il fait partie de ces industriels qui surexploitent les océans dénoncés par le sénateur Thani. Notamment, précisément, «par le prélèvement excessif de thons juvéniles et les prises accessoires d’espèces marines». Thai Union représente actuellement 20 % du marché mondial de la boîte de thon.
S’interposer «sans violence»
Pendant six semaines, les équipes de Greenpeace vont «documenter les méthodes destructrices des bateaux». Elles vont photographier et constater toutes les entraves aux règles internationales. L’ONG précise que son équipe n’exclut pas également de «s’interposer sans violence face à ces pratiques de pêche non sélectives qui nuisent à la vie marine».
Si on ne connaît pas l’état réel des stocks de thons de l’océan Indien, l’opération anti Petit Navire s’annonce comme une véritable bataille dans cette mobilisation environnementale. «Si Thai Union et sa filiale française Petit Navire continuent de nous mener en bateau et de nous vendre du thon issu d’une pêche non durable, notre mouvement devra leur faire changer de cap en continuant d’agir sur terre mais aussi directement en mer», a indiqué François Chartier, chargé de cette mission à bord de l’Esperanza.
Du poison dans le thon
L’autre bataille pourrait avoir lieu directement dans les supermarchés, avec des clients bien informés sur ce qu’ils mangent.
Le magazine 60 millions de consommateurs vient de publier les résultats d’une étude édifiante sur le poisson. Ses experts ont analysé en particulier le contenu des boîtes de thon de 15 marques différentes. Avec des conclusions inquiétantes. Les conserves Petit navire, Saupiquet et autres Connétable contiennent en effet de multiples substances dangereuses. Pas de bisphénols A, indique l’étude, mais bien du mercure, de l’arsenic ou encore du cadmium.
Tous les échantillons ont été testés positifs à des concentrations variables. Ainsi les trois références Petit Navire, Capitaine Nat’ et Odyssée dépassent allègrement le seuil réglementaire de 1mg/kg. Jusqu’à 1,7mg/kg pour certaines marques. À l’inverse, les boîtes Carrefour et Leader Price présentent les taux les plus faibles.
Des boites bien remplies
L’étude de 60 millions de consommateurs révèle également que les boîtes de thons ne contiennent pas que des filets de poisson comme les marques l’indiquent pourtant.
En étudiant, la composition des chairs et des jus, les scientifiques ont d’abord retrouvé des arêtes dans un tiers des boîtes, et des traces d’organes dans plusieurs autres. Trois références (Saupiquet, Pêche Océan, Marque repère E. Leclerc et Casino) présentent des fragments de cœur. Le thon Cora contient lui des restes d’ovocytes.
Ces traces d’organes ne sont pas interdites, précise le magazine qui objecte en revanche que ce n’est pas exactement le type de produit (du filet) qui est censé être vendu au consommateur.
Bref, une fois encore, santé publique et environnement d’un côté, industrie agroalimentaire sans scrupule de l’autre, les combats pour une alimentation saine et durable sont encore loin d’être gagnés.
RR
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