Le JDM. Comment en êtes-vous arrivé au reggae ?
Babadi. Cette musique est partout dans le monde. Dès l’âge de 10 ans, j’ai été en relation avec le reggae. J’avais de la famille en métropole qui écoutait cette musique et qui m’envoyait des cassettes de Bob Marley. Mon professeur d’anglais me traduisait les chansons. Ce qui m’a plu chez ce chanteur, surtout, c’est la revendication de son identité « black ». A cette époque, on nous orientait à ne pas aimer ce qu’on était réellement.
Mais que pensez-vous « être réellement », pour reprendre vos propos ?
Babadi. Il y a eu une forte domination arabe à Mayotte en des temps reculés. Ce qui a fait qu’on a demandé aux Mahorais de se sentir plus arabes qu’africains car la culture arabe était synonyme de noblesse et d’intellect. Pourquoi devrais-je renier la part africaine en moi, qui est la part la plus importante de mon identité ? C’est notre côté africain qu’on doit mettre en valeur, ce sont nos racines.
Comment parvient-on à faire de la musique à Mayotte ?
Babadi. Quand j’ai voulu commencer à jouer de la musique à Mayotte, j’ai rencontré deux obstacles : le premier était matériel. Il n’y avait pas grand-chose, peu d’instruments de musique… L’autre problème était que les parents ne laissaient pas les enfants faire de la musique, c’était satanique, c’était se détourner de Dieu. Moi, j’ai eu de la chance d’avoir des parents très ouverts, qui ne m’ont jamais empêché de jouer. Mais ce n’était pas pareil pour tout le monde. J’ai quitté Mayotte en classe de troisième et c’est en métropole que j’ai réellement été initié à la musique, notamment par mon grand-père. Je suis rentrée faire de la musique à Mayotte en 2000.
Pourquoi votre dernier album s’appelle-t-il « 101ème reggae » ?
Babadi. Le titre de l’album colle avec le nouveau titre, le nouveau statut de Mayotte. Il est fait pour interpeler, notamment ceux qui ne connaissent pas le territoire. J’ai voulu parler de l’évolution sociale, politique et culturelle de l’île.
Et qu’en pensez-vous, de cette évolution ?
Babadi. L’Etat français joue un jeu dangereux : il a laissé pendant 40 ans Mayotte dans un statut flou, bizarre. Il ne s’est pas trop occupé du développement de l’île, il ne s’en est pas trop mêlé. Il existe des relations hypocrites entre l’Etat français et Mayotte, et entre l’Etat français et les Comores. Je sais qu’à Paris, on dit : « Ils ont choisi d’être Français, ils n’ont qu’à assumer, non ? » Mais non. Il faut mettre les moyens pour endiguer cette histoire de bidonvilles, ces histoires de violences. Les collectivités et les communes sont également responsables. En revanche, je ne stigmatise absolument pas les Comoriens : je comprends tout à fait qu’ils prennent des kwassas en espérant une vie meilleure.
Vos chansons sont donc engagées. Pensez-vous que la musique engagée puisse changer les choses ?
Babadi. Oui, bien sûr, ça peut faire bouger les choses. Ça interpelle. La réalité est là, il faut le dire. On est citoyens français, on a donc le droit de critiquer l’Etat français, les communes et les collectivités. Cependant, je ne dirais pas « album engagé » mais plutôt « album citoyen ».
Babadi est en concert ce soir au restaurant Mon Chéri (Dembéni) à 19h. Il donnera également un concert demain chez Dino (Passamainty) à partir de 19h et sera ensuite en tournée jusqu’à fin mai.
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