Tout a (re)commencé par un nouveau mouvement des sages-femmes. La profession sera une des premières servies. Sans même attendre une réponse de Paris, le directeur du CHM Etienne Morel annonce des recrutements. «40 sages-femmes supplémentaires et 19 aides puéricultrices seront recrutées dès le mois de juillet. On a fait un effort substantiel», annonce le directeur.
Alors qu’un nouveau mouvement de grève dénonce le trop-plein d’activité et le trop-peu de moyens, le CHM vient de faire des demandes à Paris pour des montants encore inimaginables il y a quelques années… Mais l’accroissement hors de contrôle de l’activité est passée par là.
«Nous demandons 30 millions d’euros de mesures nouvelles. Ce n’est pas acquis mais ce sont les éléments que l’on a envoyé au ministère», indique Etienne Morel. Ces «mesures nouvelles», ce sont les budgets accordés pour suivre l’évolution des besoins des centres hospitaliers. L’an dernier, le CHM avait demandé 9 millions d’euros dans ce cadre et en avait obtenu 7,8. Cette année, la demande est donc plus de 3 fois supérieure. A Paris de trancher.
La stratégie réunionnaise de l’ARS OI
Mais il semble que face à l’épuisement des personnels et au faible développement des équipements de ces dernières années, le temps est venu de passer à la vitesse supérieure. Car la crise de l’hôpital de Mayotte est comme un lointain écho à la situation du système scolaire qui court après les retards : c’est bien de planification manquante et d’anticipations ratées dont il est question.
Depuis des années, l’ARS océan Indien a choisi d’investir massivement à La Réunion. De Saint-Paul à Saint-Benoit, en passant par Saint-Denis, ce sont des centaines de millions d’euros de projets qui sont sortis de terre. Certes, nos voisins réunionnais avaient probablement besoin des structures dont ils ont été dotés. Mais dans le même temps, l’évolution des besoins mahorais n’a pas été correctement analysée.
A l’heure actuelle, Mayotte doit se contenter de quelques lits de maternités en plus et du chantier de l’hôpital de Petite Terre, avec 55 lits. L’investissement est de 27 millions d’euros, financé aux deux tiers par les fonds européens. Dans ces nouveaux locaux, Mayotte disposera d’un service de soins de suite et de rééducation (SSR), actuellement manquant. Mais depuis le lancement de cette opération, aucun autre équipement d’envergure n’a été mis en chantier de façon opérationnelle.
Un immense chantier à venir
De la structure psychiatrique aux blocs opératoires, les projets sont plus proches des promesses que de la réalisation. Certes, une restructuration profonde de l’hôpital central à Mamoudzou est en cours de réflexion. On évoque 150 lits supplémentaires et une refonte architecturale majeure… Des années de chantiers que ne veulent pas attendre les praticiens hospitaliers (PH, médecins et pharmaciens). Ils souhaiteraient des structures légères bien avant ce big bang.
Ils continuent également de réclamer une attractivité accrue pour les personnels. Ils veulent des conditions financières optimales pour à attirer des médecins à Mayotte. Les PH ont déjà obtenu une indemnité particulière d’exercice (IPE) qui représente de grosses sommes : 4 mois de salaire supplémentaires chaque année pendant 4 ans qui se rajoutent aux 40% de surrémunération. Une condition : rester pendant au moins 4 ans à Mayotte.
Ils demandent que cette IPE ne soit plus conditionnée que sur une présence de 2 ans et qu’elle soit défiscalisée.
Si la question de la durée d’exercice à Mayotte semble pertinente, la question de la défiscalisation et donc du «toujours plus» pourrait faire débat. Car avec les niveaux actuels de rémunération, la direction du CHM affirme que plus 60 praticiens ont signé cette IPE. Pour autant, elle n’a pas empêché les départs et la direction reconnait même que l’IPE n’a pas permis de recruter.
Une attractivité toujours mise à mal
Car la question de l’attractivité de l’hôpital de Mayotte ne réside peut-être plus seulement dans le niveau de salaire et d’indemnité de ses médecins mais dans le rétablissement de la sécurité dans le département.
La dernière grève générale et ses débordements parallèles fortement médiatisés en métropole ont lourdement desservi le territoire. Les métropolitains ont bel et bien découvert Mayotte, ce département «où ça va mal». Une preuve? Le CHM fait actuellement face à une masse inédite de désistements de professionnels susceptibles de venir exercer chez nous.
Et pourtant, tous les personnels sont probablement unanimes sur un sujet : malgré les conditions et la masse de travail, les enjeux de l’hôpital revêtent à Mayotte un intérêt particulier. Pour beaucoup, travailler au CHM donne, peut-être encore plus qu’ailleurs, un sens à leur engagement dans les professions de santé.
RR
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