MAN, c’est une main en forme de colombe. Le logo parle à lui seul, mais on peut y rajouter le génial thème du Forum national 2016 du mouvement, qui se déroulera à Lyon du 11 au 15 juillet : « Le fond de l’air effraie, chouette la non-violence ! » Ça détend les plus pessimistes. Enfin, ça devrait.
Le Mouvement pour une Alternative non violente (MAN) a fêté ses 40 ans en 2014. Et arrive à Mayotte et à La Réunion en même temps. Ses combats sont devenus des mots mythiques : Luttes antimilitaristes, les paysans du Larzac, la communauté de l’Arche, la lutte pour l’objection de conscience… « Politisé très à gauche », n’avait pas besoin de souligner Franck Dubos, le président régional du MAN, arrivé depuis 8 mois seulement à La Réunion.
Celui qui l’a porté, lui, c’est Gandhi, « pour son règlement des conflits par la non violence, ce qui implique de chercher des solutions stratégiques », et en France, le pacifiste Romain Rolland, « le premier qui a diffusé cette philosophie en Europe. » Le président du MAN est le philosophe Jean-Marie Muller.
Des policiers formés à la non violence
Il y a plus de 25 ans qu’un Institut de formation à la non violence a été créé par le MAN : « On y forme des professionnels du secteur social qui en font la demande, les agents de l’Etat, du secteur hospitalier confrontés aux violences familiales ou des policiers qui ont besoin d’outils de médiation. »
La vice-présidente du mouvement régional, Christine Raharijaona, est à Mayotte. Ils sont tous deux Conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation. Pour ne pas faire d’amalgame hâtif entre les deux îles, ils ont observé les similitudes et les divergences, et ont décidé que oui, « il y a bien une logique propre à l’océan Indien. » De toute façon, ils ont une marge de manœuvre d’adaptation par rapport au mouvement national, « il n’y a pas de logique verticale chez nous. »
Surtout, ils ont vu immédiatement que dans la région, c’est à Mayotte que ça urge : « les tensions y sont très vives. » Il parle de délinquance et d’insécurité. Dans un premier temps, ils tentent de mettre en relation des intervenants dont le travail en commun permettrait d’évoluer : « Par exemple à Mayotte, cadis et Education nationale ne s’entendent pas. »
Travail avec les autorités comoriennes
Ils vont tenter de mettre en place dans chaque commune des centres de scolarisation-enseignement à la laïcité-formation coranique, le tout n’étant pas antinomique, « beaucoup d’enseignants ne sont pas à l’aise avec ça », relève-t-il, alors que des formation à la laïcité ont été dispensées.
Il envisage de proposer aux cadis d’y intervenir. Quant aux financements, lui et sa vice-présidente ont postulé au Fonds Interministériel de prévention de la Délinquance, aux fonds européens, et ont sollicité le conseil départemental. Il attend d’ailleurs du département une vision de moyen et long terme. Deux communes ont déjà souhaité que leurs médiateurs y soient formés.
Lorsqu’on évoque les actions en cours de « décasages », il ne veut pas émettre d’opinion, en dehors de la condamnation de la violence : « Je ne veux pas parler de choses que je maitrise mal. Nous allons envoyer des messages aux autorités comoriennes pour tenter d’initier un travail avec eux. Nous espérons qu’avec le nouveau président cessent la corruption et les détournements de fonds. »
“C’est la faute de l’Etat ou des Comores”
Leur philosophie, tirée de la parabole du colibri, peut parfaitement convenir à Mayotte, si la notion de groupe arrive à se mettre en veille ici : « Nous souhaitons une prise de conscience individuelle, pas collective. Nous pouvons chacun soulever notre propre petite montagne, et la somme de tous les efforts sera bénéfique. Arrêtons de dire ‘c’est la faute de l’Etat’, ou ‘c’est la faute des Comores’, mais demandons nous, ‘moi, en tant que personne, je fais quoi ?’, ‘je porte quoi comme regard ?’ Si nous touchons une centaine de personne, ce sera bien. »
Cela peut aller loin : « La non violence, c’est aussi une stratégie politique. Il faudrait un chef de file sur la sphère politique, indépendant d’esprit. » Il est en lien avec des Mahorais en métropole, « certains veulent revenir s’investir dans leur île, mais pas avec l’état d’esprit et les freins qui prévalent actuellement. Ils veulent créer un mouvement. »
On a envie de leur dire ‘chiche’, car c’est maintenant que Mayotte a besoin de bonnes énergies, pas quand tout sera résolu… ou détruit.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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