« Nous avons suivi l’évolution de la situation heure par heure. Neuf communes ont été touchées, 40 bangas détruits, et cinq pelotons de gendarmes (5 fois 30, ndlr), ont été affectés pour répondre d’une absence d’atteinte aux personnes lors des opérations menées par la population. Notre objectif premier est de ne pas rajouter à la tension existante », rapportait le préfet Frédéric Veau devant les médias.
Dans un seul week-end, ce sont 365 personnes qui ont été contrôlées. On ne compte pas là ceux qui se sont réfugiés dans la brousse. « Parmi eux, 85 étaient en situation régulière. » Les autres ont donc été conduits au Centre de rétention administrative avant leur expulsion du territoire, « 217 vont l’être dans la journée. »
Au CRA, de 148 places, il faut rajouter les Locaux de rétention administrative utilisés en cas d’afflux, « ce qui porte à 200 le nombre total de places. Des locaux saturés donc depuis hier, mais qui ne l’auront pas été longtemps, « la durée moyenne de séjour est de 17h ici », précise le préfet.
Menaces sur les attestations de complaisance
L’avenir des personnes présentes depuis deux semaines sur la place de la République a évidemment été le sujet central de la rencontre en préfecture à 9h ce lundi, avec « ceux qui maintiennent les personnes sur place », dixit le préfet pour évoquer les associations comoriennes. Et il affirme poursuivre le processus de retour dans les communes « pour ceux qui ont une attestation d’hébergement valable », et « avec l’appui des maires », souligne-t-il.
Quant aux nombreuses attestations de complaisance, elles mèneront leur détenteurs vers une probable annulation de leur titre de séjour, et donc une expulsion, et leurs auteurs, devant le procureur de la République, avertit Frédéric Veau. Une reconduite à la frontière qui pourrait être rapide, « tout en conciliant l’application du droit et une approche humaine ». Il en va aussi des conditions de vie des occupants de la place, « nous maintenons de toute façon le dispositif sanitaire et de surveillance médicale, sans avoir noté la présence de maladie contagieuse. »
Une position qui n’a naturellement pas du tout plu aux représentants des associations comoriennes, dont le président de la Ligue des Droits de l’homme, Assany Mfoungoulie : « Retirer les titres de séjour à ses personnes ayant des enfants français consiste à porter atteinte à leur droit de vivre sur le territoire français », rappelle-t-il.
« Ne pas donner de faux espoirs » aux « décasés »
Sa position devient délicate, accusé par certains de manipuler enfants et parents « décasés », notamment lors de sa restitution de la réunion en préfecture à midi, provoquant un début d’émeutes urbaines. Il explique dans un communiqué avoir été menacé dans la rue et dans sa voiture.
D’un autre côté, il rapporte avoir sollicité le préfet « pour obtenir les moyens de quitter le territoire avec ses enfants et leur familles, soient en les ramenant aux Comores d’où ils viennent, ou dans d’autres Départements français mais en vain. » Le préfet lui aura demandé notamment « de ne pas donner de faux espoirs aux occupants de la place », tel que le représentant de l’Etat l’a rapporté à la presse.
De son côté, le préfet, tout en continuant à condamner des « décasages » « qui ne font que déplacer le problème », et « contraires à la loi comme l’ont rappelé les ministres des Outre-mer et de l’Intérieur », il indique avoir anticipé le dispositif de délogement annoncé pour le week-end prochain, « mais toujours avec une réponse proportionnée des forces de l’ordre ». En préservant une sorte de paix sociale donc. Des procès sont en cours contre les « délogeurs ».
Un appel au djihad contre Mayotte en cours d’authentification
Comme nous l’avons indiqué, il explique avoir renforcé considérablement les moyens de lutte contre l’immigration clandestine avec l’envoi d’un Falcon 50 et de la frégate Nivôse, qui couvriront la zone en aérien et maritime pendant 10 jours. Dix jours pendant lesquels les arrivées seront sûrement moins nombreuses depuis les côtes anjouanaises. Bien que les évènements ne semblent pas avoir ralenti les arrivées, « nous avons conservé une moyenne de deux interpellations par nuit le week-end dernier. »
Comme l’ont montré les réactions des comoriens aux abords de la place de la République, la situation se tend. Les journalistes ne sont plus les bienvenus, et les réseaux sociaux commencent à sérieusement s’affoler. En témoigne l’appel à la haine et au racisme d’un homme présenté comme un comorien vivant en Egypte, et qui lance des menaces terroristes contre les Mahorais : « Nous allons conquérir Mayotte par le djihad (…) parce que vous n’êtes pas de vrais musulmans, sinon vous n’auriez pas accepté d’accueillir les blancs chez vous. »
Frédéric Veau indiquait prendre la situation très au sérieux et avoir saisi le procureur : « Un dispositif de coopération judiciaire internationale travaille à l’identification de l’auteur des menaces et à sa crédibilité. Si elle se confirmait, le parquet antiterroriste serait saisi. »
La situation s’apaise un peu du côté de la place de la République en fin de journée, ses occupants savent que leur situation devrait être rapidement traitées, même si elles seront majoritairement en leur défaveur.
Le Plan Sécurité et Immigration de Bernard Cazeneuve est donc attendu dans l’urgence, « c’est une question de jours », glisse Frédéric Veau.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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