Pourquoi les gendarmes n’empêchent-ils pas les opérations de délogements dans les villages? La question est légitimement posée par de nombreuses associations qui dénoncent leur passivité face aux événements. Mais peuvent-ils réellement intervenir, autrement que pour s’assurer que l’intégrité physique des personnes n’est pas mise en cause?
Dans le communiqué de presse commun dénonçant les violences dans notre département, les ministères de l’Intérieur et des Outre-mer annonçaient «822 policiers et gendarmes» à Mayotte. Ce nombre n’est pas tout à fait exact, il est surtout un raccourci rapide, englobant les administratifs, les agents de service et les forces réellement mobilisables sur le terrain.
Ainsi, du côté de la police, commissariat et PAF totalisent un effectif de 499 personnes en comptant l’ensemble des personnels.
Combien de gendarmes sur le terrain
Les villages du sud et du nord de Grande Terre concernés par les opérations de décasages sont, eux, en zone gendarmerie. Ce mardi matin, dans notre département, les gendarmes sont au nombre de 284. On compte 177 permanents et 107 «déplacés» dont 102 gendarmes mobiles et 5 gendarmes départementaux (officiers de police judiciaire).
Pour autant, il est évidemment impossible de mobiliser autant d’effectif dans les villages. Les gendarmes de l’aéroport restent sur la zone aéroportuaire, les 14 de la brigade nautique ou les 8 affectés à l’hélicoptère sont également positionnés sur des missions précises. Les services particuliers sont nombreux. Résultat, selon nos chiffres, dans les 5 brigades, ce sont en réalité 82 gendarmes qui constituent l’effectif mobilisable sur le terrain.
Mais là encore, évidemment, il n’est pas possible de masser l’ensemble des forces à un endroit donné. Logiquement, certains sont en permission (repos), d’autres en formation et ils doivent en permanence assurer une présence en de nombreux points de l’île. Dans ces conditions, le choix a été fait de privilégier le maintien d’absence de violences physiques.
Des interventions délicates
Les gendarmes peuvent-ils intervenir face à d’éventuelles destruction de bangas en tôles? La question est également posée. Cette fois-ci, en plus de l’effectif et de la contrainte géographique, c’est le cadre légal qui pose problème.
Sur un terrain dont on ne connaît pas toujours le propriétaire, les bangas sont des habitats montés illégalement. Mais les occupants sont déjà partis lorsqu’ils sont détruits. Compte tenu des circonstances, les gendarmes ne disposent évidemment pas de plaintes… Dans ces conditions, une intervention n’est pas si évidente.
Enfin, concernant les promesses de procédures judiciaires faites par Bernard Cazeneuve contre ceux qui chassent des personnes et détruisent leur habitation, là encore, il est difficile, dans l’immédiat, d’imaginer la traduction concrète de cette volonté, même si elle résulte d’une question de droit fondamentale. Si ces actes sont sévèrement punis, comme le rappelait le syndicat de la magistrature, on voit mal des gendarmes mettre de l’huile sur le feu dans des villages, en procédant à des identifications et des interpellations alors qu’ils ne disposent pas du rapport de force humain pour le faire. Du moins, à chaud.
Le plan de la Place Beauvau
C’est dans ce contexte de situation de crise, où la délinquance que nous connaissons d’habitude est éclipsée par ces autres délits que constituent les décasages, que le plan sécurité pour Mayotte doit être annoncé par le ministre de l’Intérieur.
Selon nos informations, on évoque la création de zones de sécurité prioritaire (ZSP) comme cela existe déjà dans près de 80 villes ou quartiers en métropole et en Outre-mer (Pointe-à-Pitre, Fort-de-France, Cayenne, Kourou, Rémire-Montjoly, Matoury).
L’instauration de telles ZSP permettrait de renforcer une «sécurité de proximité» dans les endroits les plus difficiles, en bénéficiant de moyens et de gendarmes ou policiers supplémentaires.
Avant ces annonces, on attend d’ores-et-déjà 42 gendarmes supplémentaires durant les grandes vacances. Trente seront les premiers éléments du «GIGN » (Groupe de pelotons d’intervention, GPI). Certains sont en cours de formation. Les 12 autres seront des gendarmes départementaux, officiers de police judiciaires qui seront répartis dans les 5 brigades territoriales.
Et si la crise des décasages pourrait (peut-être) se calmer avec le ramadan, d’éventuelles nouvelles tensions sont à redouter lors de la rentrée scolaire.
RR
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