Pas de renvoi de l’affaire, a ordonné en collégialité le tribunal ce mercredi, bien que la défense avait fait valoir qu’un de ses avocats, du barreau de Paris, n’avait pu se déplacer.
Des propos pesés, c’est en substance ce que répètera le secrétaire départemental de la CGT Ma, Salim Nahouda, pour signifier que ses accusations de corruption chez les élus lors de l’attribution de la Délégation de service public (DSP) du port de Longoni, n’étaient pas des paroles en l’air. Seulement, lorsqu’elles sont tenues sur un média, en l’occurrence Kwezi FM, autant être certain de ses arrières. C’est ce qu’a insinué le président Sabatier lorsqu’il évoquait les limites de la liberté, y compris d’expression, « elle s’arrête là où commence celle des autres. » Mais Salim Nahouda et son avocat avancent des arguments.
Le président revenait auparavant sur l’échange en direct à l’antenne. « Dans l’attribution de la DSP, on ne peut exclure l‘hypothèse d’une corruption des élus », indiquait Salim Nahouda, en présence d’un autre invité, Daniel Zaïdani, ancien président du département, qui avait donc octroyé la gestion du port à Mayotte Channel Gateway (MCG) d’Ida Nel. Il ne réagira que sur appel du pied de Patrick Millan, expliquant que le meilleur l’avait emporté.
« Tu as vendu les Mahorais ! »
Le syndicaliste en accusant les élus de la majorité en 2013 d’avoir touché une enveloppe, leur reproche en contrepartie de n’avoir pas versé à la Chambre de commerce et d’Industrie, alors gestionnaire du port et concurrent de MCG pour la DSP, la redevance habituelle de 8 à 10 millions d’euros, la privant de ressource pour une offre équitable. Salim Nahouda enfonce le clou : « MCG a aussi changé son code APE pour passer de gestionnaire qu’elle était lors de l’attribution de la gestion du port, à manutentionnaire, concurrençant la SMART. La DSP tient-elle toujours debout ? »
Il accusera ensuite MCG d’avoir exercé des pressions sur les salariés de la SMART pour les débaucher, et pouvoir utiliser ses grues en défiscalisant : « Tout le monde le dit, tu as vendu le port à Ida Nel, tu as vendu les Mahorais ! », apostrophera-t-il Daniel Zaïdani.
Ce sont donc trois plaintes pour diffamation qui étaient jugées : par MCG, par Ida Nel et par Daniel Zaïdani.
Etonnamment, Maitre Jorion représentait les trois à la fois, Daniel Zaïdani ayant apparemment gardé comme conseil celui qui le fut pour le département lorsqu’il était attaqué sur la DSP, et pour Ida Nel, sur les mêmes raisons.
Plusieurs erreurs matérielles sous contrôle du préfet
Il démontera un à un les arguments présentés, tenant à souligner « les graves propos tenus à une heure de grande écoute radio. » Il ne voit pas en quoi la dette du département envers la CCI représente une corruption, « et la délibération du conseil départemental du 28 mai 2015 sur les irrégularités de la DSP arrive 2 ans après l’attribution du port, et n’est même pas signée ! »
Il rappelait que DSP s’était déroulée sous contrôle du préfet. Et que les deux recours de la CCI, en référé comme au fond, avaient été rejetés au tribunal administratif.
C’est pièce par pièce qu’Elad Chakrina, l’avocat de Salim Nahouda, justifiera les propos de son client. La délibération tardive du conseil départemental se base sur le rapport de la chambre régionale des comptes, « qui pointe plusieurs erreurs matérielles dans la DSP. C’est sur cette base que Salim Nahouda plaide la cause des salariés. »
« Les élus corrompus », dixit Raos
Quant aux pressions qu’ont subies les salariés de la SMART de la part de MCG, elles sont réelles, et il produit des témoignages : « l’un a reçu une enveloppe, l’autre s’est vu proposer une voiture. Mon client n’a fait que relayer. » Enfin, il rapporte un courrier du conseil départemental qui se plaint de redevances non honorées, « les obligations contractuelles ne sont pas respectées. »
Une pièce va faire débat, non seulement parce qu’elle est produite à l’audience, mais parce qu’elle reprend le site Facebook d’un tonitruant ex-conseiller général, Saïd Ahamadi « Raos », « il explique que, dès 2011, et par la suite, les élus ont été corrompus. Salim Nahouda ne fait là encore que relayer. C’est la parole du peuple. »
Dernier argument, celui du manque de maturité syndicale, terrain sur lequel Laurent Sabatier avait auparavant amené Salim Nahouda, qui avait consenti un certain laisser-parler propre à l’île, « là où en métropole la parole est davantage surveillée », soulignera Elad Chakrina.
Le délibéré sera rendu le 29 juin à 8h.
A.P-L.
Le Journal de Mayotte
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