Seule la voix du préfet s’était faite entendre, quand les élus restaient quasiment muets. Même s’ils l’ont fait avec un peu de retard, les conseillers départementaux de la majorité se sont donc réunis hier lundi pour aborder les sujets de société qui défont actuellement le territoire.
Une rencontre qui faisait suite aux comptes rendus des rencontres menées entre les maires, le sous-préfet Bruno André puis le préfet Frédéric Veau, et le département à travers son 4ème vice-président en charge de l’action sociale et la santé Issa Issa Abdou. Qui a également assisté à une réunion avec la mairie de Mamoudzou pour tenter de trouver une solution à la présence des « décasés » en situation régulière de la place de la République.
S’ils sont restés silencieux, c’est que la position des élus sur ce sujet est inconfortable : censés suivre la droite ligne du droit commun, ils sont aussi l’expression de leurs électeurs, dont une grande partie sature des occupations illégales des terrains et se font justice eux-mêmes. D’autant plus mal à l’aise que la place de la République est un terrain départemental sur lequel ils ont accepté l’implantation de toilettes publiques, « c’était quand même le minimum », glissent-ils. Le sujet est tellement sensible qu’il fera l’objet de la rédaction d’une motion qui sera lue lors de la prochaine plénière le 28 juin.
Appel au calme
En tout cas hier, le débat a été lancé, mais en l’absence du président Ibrahim Ramadani, ce qui lui fait perdre un peu de sa légitimité. La grande majorité des conseillers départementaux étaient présents et ont adopté une position commune, a minima, en attendant le 28 juin : « Nous condamnons les violences de quelque sorte que ce soit, ainsi que les représailles, dans un climat inquiétant qui rejaillit jusque sur la course pneus. Nous reconnaissons aussi les efforts du nouveau préfet en l’incitant à maintenir une pression permanente. Enfin, nous appelons au calme dans cette période de ramadan », rapporte Issa Issa Abdou.
Les élus du département ont bien sûr évoqué le Plan sécurité de Bernard Cazeneuve. Plutôt bien accueilli d’ailleurs, « c’est la première fois qu’un plan est totalement dédié à notre territoire », en dehors de trois mesures.
La numéro 5 qui porte sur la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers est dénoncée : « Alors que le droit du sol est évoqué et que beaucoup de monde réclame une non systématisation du lien naissance-nationalité, on veut appliquer une mesure qui est contreproductive », reprochent les élus. Ils appellent les parlementaires à être vigilants.
« Un Tama bis »
Pour être exact, rappelons que la loi relative aux droits des étrangers prévoit notamment un renforcement de la lutte contre les filières d’immigration illégale, et que la 5ème mesure du plan propose justement l’envoi d’une mission de la Direction Générale des Etrangers en France, que l’on peut prendre comme une opportunité de communiquer sur les problématiques locales, et qu’elle fera notamment « des préconisations sur le renforcement de la fraude documentaire et sur le contrôle des certificats d’hébergement. »
Autre prise de position défavorable des élus, le placement des mineurs sous main de justice, avec la création probable d’un centre éducatif fermé à Mayotte : « Certains y voient la mise en place d’un Tama bis. » Un sujet qui devra être expliqué donc, puisqu’il est difficile de continuer à envoyer à La Réunion des enfants qui n’ont pas été pris en charge correctement par leurs parents, dont beaucoup sont mahorais. Il s’agit bien souvent d’une chance unique de les sauver en leur proposant un projet d’insertion professionnelle.
Les établissements éducatifs en milieu ouvert comme solution
Le Plan propose enfin, en 17ème point sur les 25 mesures, d’ancrer une coopération technique France-Union des Comores : « Nous demandons une tripartite en y ajoutant Mayotte. Ce qui ne pourra se faire qu’avec la reconnaissance de leur côté de notre choix de vouloir être français. »
Il était difficile d’échanger avec le vice-président en charge de l’action sociale sans évoquer les règlements de compte entre jeunes et la perturbation qui s’en est suivi de la course de pneus : « La réponse, c’est notre Schéma départemental de la protection de l’enfance qui devrait sortir en juillet ou août, appuyé par l’Inspection générale des affaires sociales. Nous avons habilité 4 associations qui travaillent sur ce secteur, et la multiplication des établissements éducatifs en milieu ouvert permettrait d’occuper ces jeunes. Si nous arrivons à en placer 1.000 ainsi, en y ajoutant les 400 pris en charge par les familles d’accueil, nous atteindrons la moitié des mineurs en danger évalués par David Guyot. »
Mais il dénonce le flou qui entoure ces jeunes : « Qui sont-ils ? Où sont leurs parents ? Autant d’éléments qui nous manquent. » Des données à chercher du côté de la police et de la gendarmerie, selon lui. Il attend aussi beaucoup du retour du conseil départemental au sein des contrats de ville et leur participation avec les cadis aux conseils locaux de prévention de la délinquance, « un travail de proximité indispensable. »
Un bémol : le retrait de l’ordre du jour de la prochaine séance plénière du vote des subventions aux associations en charge de la jeunesse justement, « la saisine du préfet auprès de la chambre régionale des comptes nous place sous tutelle, nous n’avons donc pas les mains libres. » Il se dit attentif à l’accompagnement de la parentalité, « notamment à travers le Schéma de la famille. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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