Placée à ce poste lors de la publication du nouvel organigramme, elle succède à Alain Kamal-Martial, écrivain et metteur en scène, en souhaitant rompre avec sa politique, comme elle nous l’explique : « Il faut renouer le dialogue avec les acteurs culturels, les rassurer sur la volonté d’une politique de regain d’intérêt pour la culture, mis en avant par la Plan de mandature 2015-2021. »
Pour dresser un état des lieux, quoi de mieux que de s’adjoindre les conseils des professionnels et amateurs du secteur : « Nous avons convié les partenaires associatifs, publics ou privés, qui vivent la culture au quotidien, à une matinée d’échanges sur plusieurs thèmes. »
La méthode semble volontariste, « nous avons invité personnellement tous ces partenaires, et les avons relancé individuellement par téléphone pour nous assurer de leur présence. »
Sentiment d’infériorité par rapport au français
Et ils avaient répondu présents les acteurs culturels, qui se sont répartis dans quatre ateliers : « Préservation de la culture et du Patrimoine mahorais », « La diffusion des arts : rôle des médias et institutions », « Vivre d’un métier de la culture : quelle professionnalisation ? », et « Durabilité de l’artiste/ de l’auteur ». Un menu appétissant où les élus ont parfois été mangés tout cru.
C’est le linguiste Haladi Madi qui menait le 1er thème, assisté par Jean-Louis Rose, Responsable du Pôle culture au CUFR. Comment préserver le patrimoine, notamment à travers les connaissances des anciens, en matière de langues, « La population est restée jusqu’ici passive par rapport aux langues maternelles souvent ressenties comme inférieures au français ».
Comment préserver la connaissance des plantes médicinales, « qui servaient autant à se soigner qu’à s’embellir, ‘chaque mahorais est médecin’, avait-on coutume de dire », ou de patrimoine naturel ou immatériel, « de l’architecture des maison aux usines sucrières et de ses ‘engagés’, en passant par nos forêts, mangroves et récifs ».
Pas de salle de spectacle
L’atelier proposait des idées pour récupérer toutes ces connaissances : « Ecrire des livres à partir de la mémoire de nos cocos, et les étudier en classe », a lancé un participant de cet atelier. Un constat en tout cas, « le bénévolat a ses limites, par exemple sur la protection des espaces naturels. » Il faudrait donc recruter davantage de gardes forestiers, « et demander à l’Etat de faire cesser l’‘Ecocide’ (homicide écologique, ndlr) provoqué par l’immigration » qui déboise les forêts.
Lors du 2ème atelier, beaucoup d’attentes étaient exprimées par les artistes. Les nombreuses expressions culturelles des amateurs ne trouvent pas de passerelles pour se professionnaliser ensuite, et ne parviennent donc jamais à vivre de leur art. Un obstacle est commun aux quatre ateliers : « il n’y a pas de salle de spectacle, ni de lieu pour répéter et se produire en plus petit comité », rapportaient Gwenaëlle Maandhui et Christie Fall. Les salles des MJC pourraient servir d’alternative, « mais il faut les rénover et les adapter. »
Les « frais d’approche » qui permettent aux artistes de se déplacer hors du territoire ne sont pas versés, et sur place, les talents s’expriment mais ne sont pas connus, faute de relais : « nous en sommes toujours à une consommation basique des arts », Un réseau Océan Indien est également à mettre en place, pour favoriser les échanges entre artistes de notre zone, mais aussi un événement culturel rassembleur à Mayotte, ainsi que des Instances consultatives du travail avec les participants de toutes les secteurs culturels.
Sexion d’Assaut à grands frais
Vivre d’un métier appelait le 3ème atelier à constater un manque de reconnaissance de l’identité mahoraise « qui vient aussi des élus mahorais. » Parmi les 11 solutions proposées, on retiendra la mise en commun des moyens des deux directions culturelles, de la préfecture et du conseil départemental, la mise en place d’une commission régionale de l’emploi « que doivent demander les élus à l’Assemblée nationale », et d’une formation diplômante des artistes, ou d’Assises culturelles, « la date du 20 octobre a été proposée », glissaient l’ethnomusicologue Victor Randrianary et l’artiste Bodo.
Enfin, sur le sujet de la pérennité des artistes, Ambass Ridjali et Nassur Attoumani faisaient encore ressortir l’absence d’implication des politiques à Mayotte contrairement à La Réunion, sur l’accompagnement de l’artiste pour éviter sa démotivation. Il reprenait l’exemple du FIM où l’ancien conseil général avait fait venir à grand frais certains artistes comme Sexion d’Assaut, « alors qu’il est incapable de financer les déplacements d’artistes locaux. De plus, ils ont droit à 10mns de scène pour laisser la place aux grands ténors qui arrivent derrière ! » Et ils n’ont aucune retombée financière.
Mais aussi celui du Salon du livre à Paris « où se rendent chaque année une centaine d’auteurs des DOM, mais personne pour Mayotte. »
Conforter l’existant
A chaque problématique sa solution, qui passera notamment par un agenda culturel local, « et également régional, national et international », et des solutions pour toutes les prestations actuellement annulées en raison de l’insécurité, « et qui ont demandé des mois de travail. »
A la suite de ces restitutions, un bilan sera tiré, « et abondera la politique culturelle du conseil départemental », indiquait Hidaya Chakrina. Qui avait tenu à reprendre dans sa propre synthèse les points forts, notamment la salle de spectacle, histoire de rassurer les acteurs culturels sur son implication. L’un d’entre eux mettait d’ailleurs en garde contre les réunions sans lendemain, ni bilan.
« Notre culture sombre », glissait au JDM l’écrivain Nassur Attoumani, qui salue l’initiative du département, « les frustrations sont remontées, il faut garder espoir. »
Elle ne devra pas les décevoir, tant les attentes sont vives. Il faudra déjà conforter l’existant, comme le bâtiment des Archives départementales qui suinte en période de grosses pluies. Et l’année précédente, des artistes qui se produisaient dans un grand festival de métropole nous expliquaient n’avoir jamais été accompagnés par le département, ne serait ce que sur une participation aux transports.
Le frein à la bonne volonté affichée de Hidaya Charkrina risque d’être encore une fois le budget, « nous ferons en tout cas au mieux avec les moyens que nous avons. Dans son allocution d’introduction, le vice-président Issa Issa Abdou a rassuré sur le maintien des partenariats, en dépit des contraintes financières du département. »
Les projets déclinés ce matin sont vastes, pas toujours onéreux, et peuvent stimuler des dons chez cette jeunesse désœuvrée qui ne demande qu’à s’exprimer.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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