C’est une spécificité très française qui s’est invitée à la dernière session plénière du conseil départemental de Mayotte. On y a parlé de l’accouchement sous le secret. Notre pays est l’un des rares à disposer d’une loi qui encadre l’accouchement sous X, applicable de plein droit à Mayotte.
Toute femme enceinte qui ne souhaite pas ou qui ne peut pas avorter mais qui ne désire pas élever son enfant, a la possibilité de le mettre au monde sans laisser d’informations sur son identité. La démarche est simple. Elle doit l’expliquer à l’équipe médicale de l’hôpital qui la prend en charge.
L’information peut être donnée au cours de sa grossesse ou le jour de son accouchement. A partir de ce moment-là, elle n’est plus obligée de fournir de pièce d’identité et les frais liés à son accouchement sont pris en charge.
Après sa naissance, l’enfant est confié aux services départementaux de l’aide sociale à l’enfance (ASE) pour être placé pendant deux mois dans une famille d’accueil. C’est le temps légal accordé à la mère pour se manifester si elle souhaite revenir sur sa décision. Ensuite, l’enfant devient «pupille de l’Etat» et peut être adopté. «Au final, c’est une coresponsabilité de l’Etat et du département. Et il nous semblait important que le département joue pleinement son rôle», explique Issa Issa Abdou, vice-président du conseil départemental en charge de l’Action sociale, de la Solidarité et de la Santé.
L’enjeu de la confidentialité
Le phénomène est très marginal avec à peine 624 naissances de ce type enregistrées à l’échelle nationale en 2014. Mais le dispositif doit offrir toutes les garanties d’un bon fonctionnement. Car si les raisons qui poussent les futures mères à renoncer à leur enfant sont diverses -personnelles, économiques, familiales- le secret absolu doit être maintenu, y compris sur notre petite île. C’est l’objet de l’intervention du département qui a voté en faveur d’un projet de protocole sur le sujet.
«Ce projet de protocole consiste à conforter le dispositif qui protège les personnes qui sont confrontées à cette question. L’idée est de protéger tout le monde, à la fois les enfants, les mères et les personnels qui se chargent de cette question au niveau de l’ASE», explique Issa Issa Abdou.
Le vote en séance plénière a donc autorisé le département à lancer les démarches pour que, du CHM à l’ASE, les personnels partagent les mêmes procédures. Un guide devrait être réalisé «pour permettre aux techniciens de savoir quoi faire, à chaque étape, pour que les choses soient parfaitement balisées et la confidentialité gardée», précise le vice-président qui ne veut plus que des soupçons pèsent, à Mayotte, sur un dispositif qui a été forgé au fil de l’histoire de France.
Plus de deux siècles d’histoire
Le premier texte de loi français sur cette pratique remonte en effet à 1793. Il s’agissait à l’époque d’éviter les abandons d’enfants «sauvages». Et l’accouchement sous le secret a traversé les époques, en évoluant doucement, pour entrer finalement dans le code civil en 1993.
Mais deux changements importants sont intervenus autour du fameux secret. D’abord, en 1996, la loi Mattei a posé comme principe que les éléments liés à l’environnement de la naissance (le lieu, la date et l’heure) soient recueillis et conservés. Puis en 2002, Ségolène Royal a créé le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (Cnaop) dont l’objectif est de faciliter l’accès aux origines de l’enfant.
Le dernier mot de la mère
Depuis cette date, les femmes qui s’apprêtent à accoucher sous le secret reçoivent la visite d’un correspondant du Cnaop, qui leur offre la possibilité de laisser des informations qui peuvent concerner des questions de santé ou les motifs de l’abandon. Elles peuvent aussi laisser sous pli fermé leur identité.
Ce n’est qu’à sa majorité que l’enfant a la possibilité de demander au Cnaop de lancer des recherches pour retrouver sa «mère de naissance». Là encore, elle conserve le droit de garder l’anonymat.
Ce sujet rarement abordé a donc raisonné dans l’hémicycle Younoussa Bamana. Il s’est aussi retrouvé propulsé sur les réseaux sociaux il y a un mois. Sur Facebook, un jeune homme né «sous X» a publié un long post pour dire qu’il respectait les choix de sa mère de naissance mais qu’il souhaitait la retrouver. Le message a été partagé plusieurs dizaines de milliers de fois.
RR
www.jdm2021.alter6.com
Comments are closed.