Les juges n’ont plus d’état d’âme à Mayotte. Face au flot de violences, ils entendent manifestement prendre leur part dans les messages envoyés à la population et aux délinquants potentiels. Un homme de 29 ans en a fait les frais ce lundi après-midi au tribunal correctionnel de Mamoudzou. En comparution immédiate, il devait répondre de l’agression d’une cliente du Sodifram de Kawéni jeudi dernier.
Il était un peu plus de 18 heures, lorsque la femme sort du supermarché. Elle a les bras chargés de ses courses qu’elle dépose sur le capot de sa voiture. Elle a ses habitudes, elle est à peu près garée toujours à la même place. Son sac en bandoulière à l’épaule, elle cherche alors les clés de son véhicule. L’individu s’approche. Il lui demande du feu. Elle n’en a pas. Il fait alors demi-tour puis revient sur elle, lui attrape son sac à main et tente de lui arracher. Mais elle ne se laisse pas faire. Son réflexe est de s’agripper, tenir le sac de toutes ses forces. Elle tombe au sol, il la tire sur plusieurs mètres.
L’homme sort alors un couteau. Manifestement, son intention est de couper la lanière. Mais après plusieurs gestes menaçants, il lui donne un coup à la cuisse.
Un pompier reconnaît l’agresseur
Les cris de la femme alertent les personnes présentes. Des femmes s’approchent mais n’osent pas intervenir. D’autres clients se précipitent alors et mettent l’homme en fuite.
Les pompiers et les policiers arrivent rapidement sur le parking du supermarché. La femme leur décrit la petite corpulence de l’homme et ses vêtements. Et tandis que les secours lui prodiguent les premiers soins, un pompier aperçoit un homme qui arrive à proximité. Il correspond à la description faite par la victime. Il ouvre la porte du véhicule, elle le reconnaît. Les policiers l’interpellent alors que son tee-shirt est encore maculé de sang.
«Pourquoi vous aviez un couteau», demande une magistrate. «On m’a déjà volé mes chaussures. C’était au cas où…» répond le prévenu. Un comble.
«J’avais bu», explique-t-il aussi, sans savoir qu’il s’agit d’une circonstance aggravante. Et de fait, il avait 1,21g d’alcool par litre de sang avec 6 bières et beaucoup de vin dans le gosier, auxquels s’ajoutaient quelques joints qui embrumaient son cerveau.
Des agresseurs sans limite
Si la procureure Prampart souligne le courage de la victime, la jeune femme est encore visiblement très fortement secouée et a du mal à marcher. «Je suis choquée. Ca fait 4 nuits que je ne dors pas. Je ne sais pas comment je vais réagir maintenant quand quelqu’un va m’aborder», dit-elle simplement. Elle bénéficie d’un certificat médical avec une incapacité totale de travail de 8 jours.
«On n’est pas au fin fond de la campagne à Kani-Kéli ou sur une plage déserte. On est en plein cœur de Mamoudzou», s’emporte la porcureure. «Les délinquants n’ont plus peur de rien. Même quand la victime crie et se rebelle, ils continuent». Elle demande 15 mois de prison ferme.
Une peine, au-delà des réquisitions
L’avocat du prévenu, Me Fatih Rahmani, après avoir défendu, en vain, une exception de nullité de procédure, va demander de «laisser une chance à son client». De fait, l’homme, de nationalité comorienne, est arrivée à Mayotte à l’âge de 11 ans. S’il n’a jamais eu de problème avec la justice mais une autre procédure pèse sur lui pour vol. Il a demandé la régularisation de sa situation depuis deux mois. Il a clairement perdu beaucoup de ses chances de l’obtenir.
Le tribunal est allé au-delà des réquisitions en prononçant une peine de 2 ans de prison ferme et le maintien en détention.
RR
www.jdm2021.alter6.com
Comments are closed.