Interdiction de circulation entre 21 heures et 4 heures pour tout mineur non accompagné d’un adulte. La commune de Chirongui a pris un arrêté instaurant une limitation de déplacement pour les moins de 18 ans sur son territoire, un «couvre-feu» pour les mineurs qui est entré en vigueur le 25 juillet. Il est valable jusqu’au 22 août.
Depuis le début du mois de juillet, la commune était confrontée à un double phénomène auquel elle tente de répondre avec cette disposition. Le premier est la multiplication des actes de cambriolages et de vandalismes, en particulier contre les écoles de la ville, des faits commis par de très jeunes gens.
Cette vague de dégradations particulière est venue amplifier les tendances connues à Chirongui comme dans de nombreuses communes de Mayotte, à savoir une augmentation très perceptible des atteintes aux biens à chaque début de vacances, y compris les plus courtes.
Une privation de liberté très encadrée
L’autre phénomène contre lequel la mairie souhaitait lutter, est l’alcoolisation de la jeunesse, un accès libéré et décomplexé à l’alcool, en partie responsable de désinhibitions qui provoquent des passages à l’acte délinquant. Avec un «couvre-feu», les jeunes ne peuvent plus se retrouver pour consommer de l’alcool le soir.
Pour autant, il n’est pas facile pour les communes de prendre une telle mesure, y compris d’un point de vue légal. Ainsi, Chirongui avait déjà décidé d’une limitation de déplacements pour les mineurs lors des vacances de février. Mais la préfecture avait demandé de modifier le contenu de l’arrêté. En effet, pour l’Etat, ce genre de décision est sensible car cela touche à une privation de liberté. Les communes doivent donc être très rigoureuses lors de l’instauration de tels dispositifs.
La préfecture avait donc demandé que la mesure soit limitée dans le temps, mieux définie dans les lieux où elle s’applique et qu’elle ne prévoit pas de poursuites pénales contre les parents en cas de manquement aux obligations de l’arrêté, une disposition contraire au droit. Au final, la préfecture estimait que l’arrêté posait “des restrictions exorbitantes” portant atteinte à la liberté fondamentale d’aller et venir. Le préfet Seymour Morsy avait annoté l’avis du contrôlé de légalité: “Le principe n’est pas en cause mais sur la forme, il y a trop d’erreurs”.
Le feu vert du tribunal administratif
C’est dans ce contexte que la commune de Mtsamboro sert de modèle, bien malgré elle. Son arrêté municipal mettant en place un tel «couvre-feu» pour les mineurs a été attaqué par la préfecture devant le tribunal administratif (TA). Et l’Etat a perdu, il y a environ un mois, confortant la commune dans ses choix.
La décision du TA a été suivie de près par les autres collectivités et elle a été comprise par les communes comme un feu vert donné à la mise en place de ce type de mesures, dans les termes choisis par Mtsamboro. Le texte actuellement appliqué à Chirongui se cale sur ce «modèle».
Une réponse massive faute d’un suivi plus fin des jeunes
Pour autant, arriver à ce type de décision est aussi un constat d’échec pour les politiques, un aveu d’impuissance face aux changements de la jeunesse et d’incapacité à comprendre et connaître ses jeunes. Certes, à Chirongui comme maintenant dans de nombreuses communes, des actions sont menées pendant les vacances pour occuper les enfants. Dans le même état d’esprit, la commune avait déployé des activités et des projections lors de l’Euro de football pour orienter l’énergie des jeunes loin de la tentation de l’incivilité.
Mais dans le même temps, à Chirongui, comme dans de nombreuses communes, la municipalité ne parvient à utiliser tous les outils à sa disposition face à la délinquance. La maire a signé une convention avec le procureur de la République pour instaurer des rappels à la loi avant que des jeunes ne tombent dans des comportements qui nécessitent une réponse judiciaire plus classique et plus lourde.
Mais ici, comme quasiment partout, les maires ne parviennent pas à faire vivre cet outil et à prendre toute la mesure du rôle qui est le leur sur le sujet. Faute d’un suivi fin de la jeunesse, la réponse à la délinquance ne peut être que massive. Les «couvre-feux» ont encore de beaux jours devant eux.
RR
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