Nous arrivons en pleine séance de travail : les bénévole du centre Nyamba du Secours Catholique-Caritas France se mettent en situation. Il s’agit de proposer aux jeunes déscolarisés à qui ils enseigner français et maths, une méthode pour apprendre à lire la langue de Molière et à s’en sortir dans les situations quotidiennes.
Ils avaient tous comme mission d’inventer un jeu qui associe un mot à une image, « l’importance du jeu dans l’apprentissage de la lecture est de plus en plus reconnu par les pédagogues. Les apprenants sont concentrés, apprennent mieux qu’un cours académique », leur explique Josian Labonté, Coordonnateur en Alphabétisation fonctionnelle à Caritas Maurice. Il était venu à Mayotte en 2013, déjà à la demande du Secours Catholique Mayotte.
Et cette année, ce sont les 30 ans de la méthode d’alphabétisation. Il se souvient qu’à l’époque, sur l’Ile Maurice, après le cycle primaire les enfants de 11 ans se retrouvaient dans la rue. « La plupart ne savaient ni lire, ni écrire, malgré 6 ans de cursus scolaire. » Il a donc fallu innover.
Ce qui se conçoit bien… dans la même langue
Après avoir travaillé avec la méthode globale qui était généralisée dans les années 80 (apprentissage à partir d’un mot complet), il s’aperçoit de ses limites : « Les jeunes arrivaient à lire, mais pas à produire de l’écrit. » C’est à ce moment que sont organisées les Assises de l’Education Catholique, avec en invitée une psychopédagogue belge, Elise Ways, qui travaille sur le lien entre la méthode globale et la syllabique (b-a, ba) de notre enfance.
Elle insiste également sur le savoir parler, « on amène les apprenants à traduire leur pensée dans une langue autre que la maternelle, le français ou l’anglais, par exemple. Car il est compliqué de transcrire ses pensées si on ne sait pas les exprimer à l’oral. » Ce qui se conçoit bien, ne s’énonce pas forcément clairement dans une autre langue.
Boule de neige
Ce jeudi matin, certains bénévoles du Secours catholique se heurtent d’ailleurs à cette difficulté lorsqu’il s’agit de présenter un jeu devant un public. Et à Maurice, ça a marché, « nous avons obtenu de bons résultats à l’écrit. Notamment avec les adultes. Il faut savoir que le système élitiste à Maurice laisse les retardataires sur le bord du chemin éducatif. »
Sa présence à Mayotte fait partie du programme, en trois axes : informer, former les animateurs, et suivre et accompagner les centres de formation. « Chez nous, chaque personne formée met en place des cours l’alphabétisation. » Moyennant quoi, une cinquantaine de centres sont implantés sur l’île à Maurice, et touchent environ 800 personnes. Des cours sont également donnés en entreprise.
C’est à la demande de Benoît Gizard, le délégué du Secours catholique qu’il est venu, mais il devait aussi rencontrer des organismes de formation ce jeudi, intéressés par sa méthode. « Après une session de 8 heures, une personne peut remplir un formulaire, ne se retrouve plus en échec, et a donc envie d’aller plus loin. »
Les sessions se font en deux parties, Josian Labonté doit donc revenir au mois de février.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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