S’il avait voulu jouer de contraste avec son bouillonnant prédécesseur, Philippe Jos n’aurait pas fait mieux… C’est un commissaire de 42 ans serein qui nous reçoit pour évoquer la situation à Mayotte. Car depuis quelques semaines, un fléchissement « ressenti » de la délinquance se fait sentir, et les annonces combatives du préfet n’y sont pas pour rien.
L’officier confirme volontiers une situation apaisée depuis son arrivée le 1er septembre, mais ne s’endort pas pour autant sur d’éventuels lauriers. Car il en convient, il récolte les fruits d’une bonne coopération entre la police et la gendarmerie : « Beaucoup d’individus nuisibles qui fédéraient autour d’eux des groupes offensifs, ont été interpellés et condamnés à plusieurs années de prison. »
Mais alors que le territoire en avait été longtemps épargné, il relève la prééminence des atteintes aux personnes, dont les chiffres ont explosé l’année dernière : « Ce sera ma priorité, j’ai d’ailleurs restructuré les services du commissariat autour de ce combat. »
Réorganisation du commissariat
La maison avait été secouée par de violentes querelles internes depuis plusieurs mois, qui se sont apaisées à l’entendre, et évoque même « une forme de sérénité. Je reçois périodiquement les syndicats, aucune tension ne m’est remontée. »
Il faut dire que l’organisation, aussi trivial que cela paraisse, c’est sa botte secrète : « Je vais mettre en place une méthodologie de travail. Ça ne sert à rien d’avoir beaucoup de moyens s’ils sont mal utilisés. Si j’envoie dix patrouilles sans consignes, elles ne vont pas forcément aller sur les lieux où sévit la délinquance. Je mise sur l’interservices : on parle beaucoup de collaboration avec la gendarmerie ou les collectivités, mais il faut aussi le faire chez soi. Pour que les services internes au commissariat travaillent ensemble, il faut mettre en place des échanges entre les différentes unités, pour exploiter les informations. On ne fonctionnera bien que lorsque tout ça sera fluide. »
Un travail qui devrait impacter sur la très critiquée réactivité des services de police lorsqu’on compose le 17 dans la zone du Grand Mamoudzou, « nous avons une bonne couverture de terrain », répond-il sobrement.
Un Plan sécurité qui ne tient pas toutes ses promesses
Le deuxième axe de notre entretien portait sur la mise en place du Plan sécurité et immigration de Bernard Cazeneuve. Il préconisait notamment d’accentuer la collaboration avec la gendarmerie et les collectivités, « justement je vois le colonel Leclerc ce mercredi après midi en réunion d’Etat major pour trouver des pistes de facilitation de nos enquêtes en lien avec le judiciaire. » A la 18ème mesure du Plan, on note la mise en place d’un service de police judiciaire en 2017. Les démarches ne sont apparemment pas entamées. Pas plus de visibilité d’ailleurs sur un centre éducatif fermé.
Un des points forts du Plan portait sur l’envoi de 76 policiers et 26 adjoints de sécurité. Si le commissaire confirme l’arrivée de gardiens de la paix et d’adjoints de sécurité, ces derniers confirmés au nombre de 26 par la préfecture de Mayotte, en matière de policiers, il ne s’agit en réalité que de 14 créations de poste. « Les autres ne sont que des arrivées compensant des départs », confirme la préfecture. Une malhonnêteté intellectuelle du Plan Cazeneuve qui a donc gonflé artificiellement les chiffres. Les policiers seront exactement 239 à la fin de l’année, contre 219 début 2016.
Mineurs : l’absence de moyens pour coller à l’ordonnance de 45
Le Groupe de sécurité de proximité a été mis en place, et semble donner toute satisfaction : « Nous démultiplions les contrôles, notamment sur les points les plus sensibles de Mamoudzou centre, Kawéni et Cavani. » Cavani dont le secteur du stade est de plus en plus sujet aux actes de délinquance, « nous y avons arrêté un individu pour vol avec violence mardi soir, placé de suite en garde à vue. »
Le contact avec les services judiciaires se poursuit, notamment au travers de l’Etat Major de sécurité devenu mensuel. Pas d’évolution en revanche sur les mineurs relâchés aussitôt interpellés, ce qui reste la bête noire des policiers : « C’est un problème de justice des mineurs, avec un éducatif censé primer sur le répressif », commente-t-il laconiquement sans aller plus loin. Une ordonnance de 45 qui reste une avancée, pour peu que les outils d’accompagnement de tous les mineurs soient disponibles.
« Pas de fatalité »
Lorsque le chiffre des effectifs sera bouclé, le commissaire Jos pourra peaufiner son organisation, « il n’y aura jamais eu autant de policiers engagés en sécurité publique sur Mamoudzou. C’est une prise de conscience des enjeux sécuritaires de la part de l’Etat. C’est motivant pour mon travail de rationalisation des moyens. »
Nous avons évoqué avec lui l’arrivée de la ministre des outre-mer, et les menaces de perturbations de la part de l’Intersyndicale de la fonction publique. Pour éviter les évènements qui avaient chamboulé le programme de la visite de George Pau Langevin en début d’année, un travail est en cours, « sous le regard du préfet. »
En conclusion, Philippe Jos parle d’un territoire « aux problématiques pas exceptionnelles », mais où « peuvent s’exercer des dégradations violentes soudaines. » Des situations que les policiers aimeraient pouvoir anticiper, d’où une essentielle circulation de l’information, pour une meilleure protection des citoyens. Il évoquera toutes les situations qu’il a du gérer sur ses précédents postes, de bus de touristes détournés, aux agressions avec tortures sur une vielle dame en passant par des matchs ponctués par des violences entre supporters : « Ici, les problèmes sont réels, mais il n’y a pas de fatalité. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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